II

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Le froid attaque ses joues et ces yeux le dévorent. Ils sont noirs, deux billes pétrifiées dans des cils qui battent comme les ails d'un papillon. Il doit tellement lui inspirer confiance par son manque de dureté dans ses gestes, il en était encore à lui caresser le front et la laisser poser ses naseaux gluants contre sa main droite alors que la gauche tenait un matador. Il le porte à bout de bras et éprouve le même effort surhumain lorsqu'il devait le soulever.
- Rudolf ! s'exclame la voie crue du métronome du haut de son perchoir.
Il l'a dans sa ligne de mire depuis le début, il sait qu'il est pathétique. Encore plus que ces bêtes.
Il serre les dents et monte le pistolet jusqu'au front qu'il caressait il y a quelques secondes. Il tourne la tête vers Monsieur Lacqutot qui descend les escaliers pour sans doute se diriger vers lui. Avant qu'il ne tourne le visage vers la vache il avait déjà tiré. Un sang sombre coule dans ses poiles blancs et son cœur s'est encore fané. L'animal s'est directement affalée au sol et il ne peux m'empêcher de vérifier s'il a bien perdu connaissance. Il avait trop peur de l'entendre se débattre alors qu'on l'emmènerai sans retour vers l'étape du saignement.
- Rudolf ! Qu'est-ce que tu fous ?
Il attache la chaîne autour de la jambe de la vache inerte qui ne devait avoir vécu que un an dans les pâturages. Le treuil s'est mis à soulever sa carcasse sans que qu'il ait pu faire un quelconque mouvement. Sa tête, pointée vers le sol ensanglanté, laisse pendre une langue blanche, et ce n'est même pas l'image de la mort qui rejoint une ligne sans fin de vaches pendues dont une qui s'était réveillé et dont personne ne voulait aider. Se débattant pour essayer de s'enfuir, se tortillant comme un poisson qui venait d'être pêché. Ils s'en foutaient tous. Ils pensaient qu'à leur vie.
Monsieur Lancqutot se poste devant Rudolf avant de le pousser par les épaules.
- Je devrai te rappeler encore combien de fois à l'ordre ? C'est un travail en chaîne, bordel. Tu peux pas t'amuser à ralentir tout le monde comme ça, c'est pas dans l'éthique de l'entreprise de sortir cinq carcasses par heure. T'as compris ou tu veux retourner nettoyer les bouveries ?
Il ne sait pas s'il supporte davantage le fait d'être entouré de bêtes borgnes, boiteuses, malades pendant des heures et devoir ramasser leur merde et parfois tirer des cadavres jusqu'à l'extérieur.
- Oui, répond-je avant de remonter au-dessus de la cellule de contention.
Il ouvre pour la énième fois cette cage à une vache désorientée avant de l'étourdir crapuleusement.

Le monde est une vraie porcherieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant