Rivière

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Je plonge mes bras dans l'eau gelée. La sensation de fraîcheur me ramène un peu à la réalité, même si c'est bref. L'eau, c'est magique. Non seulement ça m'aide à réfléchir, mais cela m'enlève toutes envies suicidaires de la tête. Et, par la même occasion, la douleur causée par ces petites marques rougeâtres qui strient mes poignets depuis peu. Depuis que Kat-chan m'a dit ces mots :

«T'es nul, Deku. Quand est-ce que tu comprendras ça, bordel ? Jamais, tu m'entend,  jamais tu ne me dépassera.  Jamais tu ne seras un héros, et encore moins le numéro un. Les profs t'ont juste pris en pitié. Tu es nul jusqu'à la moelle, alter ou sans alter.  Alors maintenant, tu dégages ! »



J'ouvre les yeux et regarde mes entailles. Un regard perdu, solitaire, douloureux... Je ne les supporte pas. Je plonge la tête dans la rivière et hurle de toutes mes forces. Quelle torture. Je prend un grand bol d'air en sortant mon visage de l'eau, mes tripes se tordent. Les larmes dévalent abondamment mes joues, sans que je fasse quoi que ce soit pour les retenir. Ma gorge est tellement serrée que mes cris de détresse n'ont plus aucun son. Je me redresse et sors mes bras de l'eau.

Un soupir se fait entendre derrière moi. Je me relève rapidement, essuyant mes larmes d'un revers de bras, avant de cacher ces derniers derrière mon dos. Je croyais être seul, à la lisière de la forêt, loin de la ville, loin des gens, loin de lui. Mais quelle vie de merde...

-Deku...

-S-Salut Kat-chan, dit-je en affichant un sourire mensonger.

-Je peux savoir pourquoi tu chiales encore ?

-Pou-Pour rien, murmurai-je.

-Tch.

Il me prend les bras, et sans que je m'y attende, les mets devant moi et regarde avec étonnement mes blessures. De l'incompréhension puis de la tristesse se lisent dans ses yeux. Il baisse la tête et ses mèches blondes cachèrent son expression. Il la relève au bout de quelques minutes. Son regard carmin et colérique me transpercent. Il m'attire à lui et me prend dans ses bras, enfouissant sa tête dans mon cou.

-Pourquoi t'as fait une connerie pareille ? me souffle-t-il.

J'agrippe son t-shirt. Je sens clairement de la colère dans sa voix. Je retiens du mieux que je peux mes larmes, gardant contenance, et plonge à mon tour mon visage dans son cou.

-Je sais pas, dis-je, la voix déchirée malgré mes efforts. Je sais plus. Je suis totalement perdu.  Ça fait depuis le début d'année que ces putains de sentiments envers toi sont apparus. Notre relation a un peu évolué depuis notre arrivée à Yuei. J'y ai cru. J'ai espéré. J'ai osé. Et tu l'as réduit à néant. En seulement quelques mots, quelques phrases.

Je ne retiens plus, ni mes larmes ni mes mots, qui franchissent mes lèvres tel un automatisme.

-Tes paroles, continue-je, aussi durent et froides soient elles, ne devraient plus m'atteindre depuis longtemps. Alors pourquoi ? Pourquoi ça m'a fait si mal ? Je voulais t'oublier. Je le voulais tellement. Tu étais trop présent dans mes pensées. Au début, quand j'avais compris mes sentiments, ça allait... Je m'en sortais. Je pensais quelques fois à toi, m'inventant des mensonges, plongé dans mes songes. Mais voilà que l'envie, le besoin, la dépendance de te toucher, de te voir, de te sentir proche de moi, ce sont insérés petit à petit dans ma routine, dans mes rêves, dans ma vie. C'était devenu insoutenable... Et je me suis mit à déconner. J'ai perdu le contrôle de ma vie, de mes émotions, de mes sentiments, de mes actes. Je pouvais plus rien faire, j'étais bloqué. Je me renfermais sur moi-même au fur et à mesure que les minutes s'écoulaient. Le soir, le matin, seul, en classe, devant mes amis, ma famille. J'affichais ce faux sourire. J'éclatais de ce faux rire. Mais le manque s'immisçait. Encore et encore et encore. J'en faisais des cauchemars. Et je me réveillais, la nuit, en suffoquant. Seul, dans mon lit, dans le noir. Mes draps humide, mon regard flou. Sans m'en rendre compte, tu m'est devenu indispensable, vital. Des fois même, je croyais te serrer dans mes bras, mais ce n'était qu'un leurre... Et tu t'es transformé en celui qui me tuerais à petit feu, sans que personne ne le remarque. Puis ce soir là, où j'ai pris mon rasoir pour la première fois. Où je me suis entaillé pour la première fois. Où mon sang à coulé pour la première fois. J'ai implosé. Qu'est ce que j'avais bien pu m'imaginer en la prenant ? Que ça m'aiderais à oublier ? À t'oublier toi ? Foutaises. Ces petites traces de merde qui me servaient soit disant d'abris et d'espoirs... Tu parles. Elles me faisaient souffrir. Elles me mettaient à nu. Elles me rendaient encore plus faible. Je me disait : « Attend que ça revienne. Ça va revenir, c'est obligé. Obligé. ». L'amour, c'est trop de souffrance, trop d'agonie. Alors j'ai sombré dans un cercle vicieux. Un cercle où mon sang et mes larmes on trop coulés. Un cercle où, les soirs où j'étouffais, je ne pouvais plus supporter cette absence, ce vide. Je prenais ma lame et m'écorchais, faisant couler le liquide rougeâtre. Soit disant, il emporte doutes et douleurs pour quelques secondes, quelques minutes, en échange d'un peu de souffrance et des traces laissées à vie. Lourd fardeau pour si peu d'affranchissement... Tu ne trouve pas, Kat-chan ?

-Sale nerd débile,me chuchote Kat-chan en sanglotant. Bien sur que oui, c'est un poids trop lourd pour toi, t'es con ou quoi ?Pourquoi tu ne me l'a pas dit plus tôt, au lieu de te laisser crever?

-J'avais peur de ta réaction. Vraiment, déclamai-je, la voix tremblante. Je soupire et m'enfouis un peu plus dans son cou. Mon Dieu, ce contact...J'en ai rêvé, mais tu ne peux pas t'imaginer à quel point, confiai-je en rigolant un peu.

Il rigole doucement à son tour et me serre plus fort contre lui, mes larmes coulant toujours, avant qu'il ne me murmure ma liberté :

-Je t'aime tellement putain.

...

Merci d'avoir lu. Une petite idée de one shot qui trottait dans ma tête depuis quelques temps ^^. Merci de me prévenir si il y a des fautes d'orthographes, on ne sait jamais.



RivièreWhere stories live. Discover now