Tu dois être un bon petit soldat. Personne ne te le dit mais ta vie se résume à ces quelques mots, à commencer par le premier mot : « Tu dois ». Si je t'écoute, je dois faire un tas de choses. Et dis-moi, dois-je oublier qui je suis ? Dois-je me transformer en une personne que je ne suis pas pour ton bonheur ou pour celui de quelqu'un d'autre que toi ? Pour te plaire ? Je suis si importante que ça dans ta vie ? Ma manière de parler, de marcher, de m'exprimer, de courir, de m'habiller, de me maquiller, de réagir, de penser, de travailler, d'écrire, de lire, de dormir, de me coucher ou de me lever détermine-t-elle ton bonheur ? Ma manière d'être porte-t-elle atteinte à tes libertés ? Dois-je laisser les gens me dire qui je suis « pour que la société fonctionne » ? Et puis, crois-tu que c'est en se laissant dominer et oppresser qu'on fait marcher la société dans laquelle nous vivons ? Et... Es-tu sûr que ta société fonctionne ? Ne vois-tu pas, tous les jours, une personne mourant de faim dans les rues de ta ville ? Ne vois-tu pas la nature se détruire petit à petit ? Ne vois-tu pas le sexisme que tu subis quasiment chaque jour de ta vie ? Ne vois-tu pas ces vagues de migrants arrivant dans ton cher pays ? Mais dis-moi... Vois-tu qui tu es ? Vois-tu qui je suis ? Tu te dis surement que les migrants, ce ne sont pas nos affaires et qu'ils n'ont rien à faire dans ton pays ? Tu trouves en le nom de ton pays ton identité, se résumant en réalité que par ton nom, ton adresse et ta nationalité dans un dossier. Je t'en prie, arrête de penser deux secondes à l'argent et aux lois, et pense aux gens. Aux êtres humains. Des êtres humains, comme toi ou moi. Laisserais-tu des personnes mourir de l'autre côté d'une barrière en justifiant ton acte en disant que ce n'est pas « ton territoire » ? Ce qui a délimité les limites de ton pays, ce sont des êtres humains ayant pour seul but de réussir à mieux organiser le monde. Sais-tu que, ces personnes que tu as abandonné sous prétexte qu'elles ne soient pas de la même nationalité que toi, avaient une famille, une vie, des sentiments. Ces personnes pensaient, couraient, pleuraient et riaient, comme toi et moi. Alors, dis-moi, refuserais-tu un être humain seulement parce qu'il vient de l'extérieur d'une ligne imaginaire dont on t'a toujours prouvé la nécessité ?
Si tu ne ris pas trop fort dans la rue, si tu fais du sport, si tu manges équilibré, si tu es fin, si tu es beau, si tu as fait de longues études, si tu es toujours élégant, si tu acceptes toutes les contraintes, si tu es hétérosexuel, si tu trouves que la France est parfaite, si tu travailles bien, si quand on te dit communisme tu penses « c'est mal » et que quand on te dit démocratie tu te dis « c'est merveilleux », si tu es respectueux, aimable, sympathique, aimant, généreux et positif, si quand on te parle de féminisme tu te dis « euh, j'en ai déjà entendu parler, c'est des femmes qui veulent mettre de côté et combattre les hommes » (toujours dans ta tête car tu n'es pas sûr que c'est ça qu'il faut dire à ce moment-là), alors tu es un bon petit soldat. Tu sais, tu ne t'intégreras jamais dans la société si tu ne suis pas tout cela, puisque si tu veux t'intégrer, tu dois être comme tout le monde. Mets tes émotions, tes sentiments, tes doutes, tes peurs, ta pensée et ta réflexion de côté et sois comme les autres. Sois un pion dans un jeu. Sois obéissant et respecte toutes les normes qu'on te dicte. D'ailleurs, ne t'es-tu jamais demandé qui était ce fameux « on » ? En effet, je pense que tu t'en es déjà rendu compte mais celui qui ordonne, qui décide à ta place et qui, finalement t'oppresse car il ne te laisse pas la liberté d'exister en tant que personne à part entière, c'est toujours « on ». Décidément, il a bon dos ce « on »... Mais avais-tu déjà songé au fait que ce « on » soit fait de personnes dont tu n'as jamais entendu parler ou que tu as jamais vu, et pire, d'être humains comme toi et moi ? Savais-tu que, ceux qui te font faire des choses que tu n'as pas envie de faire, qui décident en quelque sorte de ta richesse ou de ta pauvreté, qui décident de la personne qu'il veut que tu sois, de ce qu'il faut que tu fasses ou pas, de ce qu'il faut que tu dises ou non, sont des êtres humains comme toi et moi ? Tu te laisses sans doute rabaisser et gouverner car « ils sont plus haut placés » que toi mais dis-moi... Que veut dire plus haut placé ? Qu'ils ont été plus à l'école que toi ? Est-ce parce qu'il a des responsabilités plus importantes dans sa vie que toi qu'il a le droit de décider de ce que tu dois faire ou dire et de la personne que tu es ? Peut-être te laisses tu faire parce que « c'est comme ça ». Si tu me réponds, à chaque dénonciation que je fais de la société dans laquelle je vis tu me réponds ces trois mots dénués de sens, alors laisse-moi te dire que tu me déçois. Tu n'es pas très original.
Quand je dis que des personnes meurent de faim et de soif à cause de la race humaine, on me réponds « je sais mais on ne peut rien y faire... C'est comme ça ». Quand je dis que les frontières divisent les gens au lieu de les rassembler on me dit « Tu ne vas pas changer le monde, c'est comme ça ». Quand je me plains d'avoir été victime de harcèlement de rue, on me répond « Beaucoup de femmes vivent ça, c'est malheureux mais c'est comme ça, tu devras t'y habituer ». Quand je rapporte à mes proches qu'une de mes amies est insultée et discriminée de part sa couleur de peau, ils me répondent « C'est vraiment triste, mais le racisme a toujours existé et il existera toujours, c'est comme ça et tu ne pourras rien y changer ». Laisse-moi te poser une question, crois-tu que les libertés et les droits que tu as dans ta vie actuelle tu les as acquis grâce à des personnes tenant ce discours ? La majorité des droits que tu as, que tu sois une femme ou un homme, tu les dois à des personnes qui sont passées avant toi et qui ont lutté pour leurs idées et pour leurs idéaux, parfois même au péril de leur propre vie, et non pas à des personnes ayant dit toute leur vie « C'est comme ça, on ne peut rien y faire ». Je vais être honnête avec toi et commenter ce discours que tu tiens et dont tu connais à présent les quelques mots par cœur. En disant cela, tu te rabaisses, tu me rabaisses, tu rabaisses l'être humain, sa force, sa pensée et sa détermination. Pour être objective, je suis bien consciente que toute seule je ne pourrai pas « changer le monde » -moi même je finis par connaître tes phrases préférées par cœur-, et ce n'est pas ma volonté, je ne suis pas une déesse et je n'ai pas le savoir absolu. Mais ne crois-tu pas que si la majorité des gens arrêtent de tenir le même discours que toi et s'unissent, le monde serait meilleur, plus juste et moins oppressant ?
Notre monde est fait de nombres, de calculs et de statistiques, d'ailleurs toute ta vie n'est que chiffre. As-tu, dans cette société où tout est contrôle, surveillé, analysé, calculé et organisé ta propre identité ? Sais-tu qui tu es ou es tu un pion dans un jeu dont tu ne connais même pas les règles ? Pourquoi repousses-tu qui tu es ? Pourquoi ne montres-tu pas la personne et le caractère enfouis au fond de ton âme ? Pourquoi, comme tout le monde, acceptes-tu de devenir quelqu'un d'autre en dépit de tes propres envies et de ton propre caractère pour rentrer dans des normes ?
Notre société est remplie de normes, dont tu ne te rends même plus compte. Tu y es tellement habitué, et moi aussi. Pourquoi, un jour où tu n'as pas envie de t'habiller en costume-cravate devrais-tu en porter un ? Pourquoi, parce que tu es un homme, n'aurais-tu pas le droit de te maquiller ? Pourquoi devrais-tu aller à l'école alors que ce système ne te convient pas ? Les normes ritment ta vie et réduisent ta liberté. Concrètement, elles ne présentent aucun intérêt puisqu'en mettant (c'est seulement un exemple) un pantalon le jour de Noël alors que tu es une fille, est-ce que je porte atteinte à tes libertés ? Si tu me réponds oui, je serais curieuse d'écouter ta justification -essaie de ne pas mettre de « c'est comme ça » au milieu de ta phrase mais tu verras, ce n'est pas simple-. Alors, si ce que je fais ou suis ne t'offense pas, pourquoi ne me laisses-tu pas être qui je suis ? Pourquoi, en voulant à tout prix respecter ces normes dont on ne t'a jamais expliqué ni la provenance ni l'utilité, m'oppresses-tu à ton tour ? En tentant de m'imposer ces normes, tu m'as prouvé que l'être humain est capable de faire quelque chose et de l'imposer à quelqu'un d'autre sans même savoir ou comprendre pourquoi. Généralement, on te cache tout cela à travers le principe de « l'éducation » mais ne t'es-tu jamais rendu compte que l'école te dicte comment penser, comment réfléchir et comment réagir ? L'éducation, telle qu'elle l'est aujourd'hui est une prison dans laquelle tu es emprisonné sans y voir les barreaux.
Mais j'aimerais te poser une question, puisque c'est la plus grande source de ma souffrance aujourd'hui. La raison de l'écoulement de nombreuses larmes sur mes joues et de nombreux moments d'absence malgré ma présence en classe. Quand je te parle de toutes ces réflexions intérieures et assez profondes finalement, tu devrais plutôt agrémenter le débat au lieu de répéter ce que la société te dicte, ou pire, de rire ou te moquer de ma pensé si différente parfois de ce qu'on t'a toujours dit et appris ? Je suis blessée de tes réactions et parfois, mon cœur saigne.
Tu grandis et ta manière de voir les choses change, tu changes, nous changeons, tous. C'est humain. En parlant d'humanité, je dois dire que je pense que ce mot a été banni des mentalités, et cela depuis bien longtemps. Où est l'humanité, dans ce monde sauvages, de bruts, d'individualistes et de meurtriers ? Elle n'existe plus et n'apparaîtra pas un bon matin d'été à ton réveil. Néanmoins, penses-tu que c'est une raison pour arrêter de penser et se laisser oppresser sur tous les fronts par d'autres êtres humains ? Penses-tu que tout le monde doit abandonner et que, tant pis, les choses resteront comme elles sont pour toujours ? Penses-tu que tout est terminé ? Ne lâches rien et pense.
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La société et moi.
SpiritualJe sais, j'aurais pu choisir un titre plus aguichant, mais ce n'était pas mon but... Ici je publierai tous mes courts textes (que j'écris quand l'envie me prend) sur la société telle que je la vois du haut de mes seize ans, des écris parfois assez...