Vanessa

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Vanessa faisait nerveusement tourner une petite boule de lumière entre ses doigts tandis que ses parents parlaient à un homme en blouse blanche. Le docteur.... elle n'avait pas retenu son nom. Un nom bizarre que sonnait étranger. Elle ne le regardait pas non plus. Il lui faisait peur avec ses grosses lunettes, sa barbe fournie et sa carrure imposante. Elle était sûre que c'était un géant déguisé. Il allait lui faire subir les derniers outrages avant de la dévorer. Elle ne savait même pas ce que ça voulait dire. Ça lui avait traversé l'esprit comme ça. Mais ça avait l'air effrayant. Vanessa avait toujours eu beaucoup d'imagination, et c'était d'ailleurs ce qui l'avait conduite là.

D'ailleurs la fillette n'écoutait même plus les jérémiades de ses parents. Elle les connaissait par coeur. Toujours les mêmes. Notre fille casse tout. Notre fille se bat. Notre fille ment tout le temps. Notre fille vit dans un monde imaginaire. Nous ne la contrôlons plus. Elle ne peut être que folle. Vous êtes notre dernière espoir docteur machin-chose. Ce n'était pas elle la menteuse. C'était les autres. Ses soit-disant camarades de classe qui se moquaient d'elle, qui croyait qu'un gros bonhomme en rouge descendait par la cheminée pour livrer des cadeaux mais prétendaient ne pas voir les êtres avec qui elle discutait et jouait. Les enseignants qui l'accusaient de provoquer des bagarres alors qu'elle ne faisaient que se défendre. Et enfin, ses parents qui affirmaient ne rien voir quand elle leur montrait ce qu'elle savait faire. Et maintenant sous prétexte de la faire soigner, il la vendait à un géant déguisé en médecin qui allait la dévorer.

La colère montait en Vanessa. Elle sentait la petite boule de lumière s'énerver entre ses doigts. Il fallait qu'elle se calme sinon elle allait encore faire exploser quelque chose. La fillette serra la boule dans sa main pour la contenir. Fuir ne servait à rien. Elle avait déjà essayé. Peut-être qu'une fois seule avec le géant elle libérerait assez de colère pour le faire exploser et s'enfuir loin. Après tout ses parents la croyant ici ne la chercherait pas.

- Reste ici. Pas bouger. Et pas de connerie. ordonna son père que comme si elle était demeurée. On va signer les papiers. Tu bouges pas de là.

Vanessa ne prit même pas la peine de répondre.

- T'as entendu ? Tu bouges pas de là. la secoua-t-il.

- Vous voyez ! se désespéra sa mère d'un ton presque théâtral tant il lui semblait forcé. Alors à nouveau elle les ignora.

- Ne vous en faites pas. déclara le faux médecin. Nous allons bien nous occuper d'elle ici.

Lorsqu'elle fut seule, elle balaya la cour pavée du regard. D'un côté la lourde grille métallique par laquelle ils étaient entrés. De l'autre, un sinistre bâtiment en béton, massif, aux fenêtres impersonnelles vers lequel les adultes se dirigeaient. Elle songea à nouveau à s'enfuir mais son instinct lui souffla que ce n'était pas une bonne idée. Alors qu'elle tournait sur elle-même pour mieux évaluer les lieux. Vanessa tomba nez à nez avec un garçon à peine plus vieux qu'elle. Elle en eut un sursaut accompagné d'un cri de surprise. Elle ne l'avait ni vu, ni entendu arrivé, pourtant il se tenait là devant elle, tout sourire et si lumineux.

- Salut, t'es qui ? lui demanda-t-il avec enthousiasme.

- Je m'appelle Vanessa Leguern et toi ?

- Ah bon d'accord, fit-il comme déçu. Bah alors moi c'est Gaël Cromwell.

Puis comme poussé par un nouvel espoir, il reprit.

- T'es Française ? Moi je suis Irlandais. C'est ma tante qui m'a amené là hier soir parce que c'est mieux pour moi. Et toi ? Tu viens rentre visite ou tu vas rester ?

- C'est mes parents qui m'ont amené, répondit la fillette d'un air sombre en serrant si fort la boule dans sa main qu'elle explosa avec un bruit de ballon qui éclate.

Gaël se mit à rire. Il lui saisit la main et se mit à courir en l'entraînant avec lui.

- Viens je te fais visiter.

Il courrait vite. Aussi vite que le vent lui semblait-il. Mais Vanessa n'était même pas étonnée de parvenir à suivre.

- Là c'est le réfectoire. Là c'est les dortoirs. Là les salles de classe. énumèrait le garçon à chaque arrêt.

- Salle de classe ?

- Bah oui. Pour les cours. T'as jamais vu d'école ?

- Bien sûr que si ! Répliqua Vanessa vexée. Mais c'est pas une école c'est un hôpital pyca... spycia... pycia... un asile de fous quoi !

- Mais non ! rit Gaël. C'est une école pour les enfants spéciaux comme nous.

- Spéciaux fous. C'est mes parents qui l'ont dit. s'impatienta-t-elle tout en songeant qu'il était vraiment bête.

- Eh bien tes... commença-t-il.

Le garçon s'était brusquement arrêté, semblant guetter quelque chose.

- Vite ils reviennent. exclama-t-il en l'entraînant à nouveau vers la cour.

En effet, les adultes sortaient du bâtiment lorsqu'ils parvinrent à leur point de départ. Les Leguern passèrent devant leur fille sans même lui accorder un regard mais ils jetèrent néanmoins un œil bizarre au garçon. Celui-ci se tenait les mains derrière le dos, le torse bombé et un sourire fier aux lèvres qui le faisait rayonner encore plus. Là ils ne pouvaient quand même pas dire qu'ils n'avaient rien vu. Pourtant ils la laissèrent au milieu de la cour sans le moindre scrupule. Vanessa eut envie de hurler. De se mettre à pleurer cependant elle se doutait que ça ferait bien plaisir au faux médecin et puis il y a le garçon. Pas question qu'il se moqua encore d'elle. Soudain sa colère et sa peur s'envolèrent lorsque l'homme posa la main sur son épaule.

- Je vois que tu as déjà fait la connaissance d'Apollon. lui sourit-il. Bienvenue chez toi Athéna.

Fin.

VanessaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant