Chapitre 1 - Coup de maître et peinture en croûte

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J'entends souvent dire "Tous les goûts sont dans la nature" et je suis bien d'accord, mais tout à fait entre nous, il y a des limites à ne pas dépasser.

"- C'est moche."

Et les limites se bornent à ma patience légendaire devenue pratiquement inexistante ces dernières semaines.

"- C'est de l'art Philippine, essaye d'apprécier."

De toute évidence, jeter plein de couleurs sur une toile c'est de l'art et ça vaut des millions. Si on m'avait dit ça vingt ans plus tôt à l'école, j'aurais peut-être suivi les cours d'arts plastiques.

"- Parce qu'un point rouge au milieu d'un carré blanc, c'est de l'art pour toi ? Attends que j'ai mes règles, je vais te faire la même chose.

- D'une ce que tu viens de dire est dégoûtant, de deux...Des fois il faut juste avoir eu l'idée le premier. C'est un peu comme les livres tu sais ? T'en trouves un qui tient un truc et le reste dès que c'est repris par un autre, on appelle ça un "cliché".

- Tu te mélanges les pinceaux, mon pauvre Olivier !

- Je crois que je peux me le permettre dans une galerie d'art."

Je ne sais même pas pourquoi j'ai accepté de le suivre ici. Sans doute parce que Timéo a voulu venir du coup, on le baby-sitt' un peu.

"- C'est moche.

- Non Philippine..."

En parlant du loup, on en voit le bout de la queue.

"- Ce n'est pas parce que tes goûts sont limités et ton esprit plus fermé qu'une huître que c'est "moche".

- Parce que tu y connais quelque chose en art toi ?

- Pas forcément, mais je sais reconnaître un bon coup de pinceau."

Mais bien sûr. Ce qu'il ne faut pas entendre.

"- D'ailleurs, si j'étais toi, au lieu de te préoccuper de ce qui est exposé, je me préoccuperais de ce qui risque de se faire voler.

- Comment ça ?

- Rouquine sauvage à douze heures."

L'air de rien, se faufilant à travers l'assemblée réunie dans la galerie, voilà que Judith March fait son apparition. Elle ne me prête même pas attention avant de se diriger droit vers Olivier que j'ai laissé quelques mètres derrière moi.

"- Tu comptes faire quoi ?"

Bonne question. Suis-je supposée faire quelque chose déjà ? Je veux dire, Olivier a été plutôt clair sur sa relation avec Judith, même si rien ne semble arrêter cette dernière.

"- M'en occuper."

C'est plus fort que moi. Juste la voir lui ronronner autour comme une chatte en chaleur me rend malade. De plus, malgré sa grimace, Olivier ne semble pas insister pour qu'elle le quitte.

"- C'est étonnant ! Nous sommes dans une galerie d'art et je m'étonnerais de ne pas avoir vu de nature morte jusqu'à présent...Et puis vous voilà Judith.

- Forcément ! Quand il est question de mauvais goût, vous êtes dans les parages Philippine.

- Venant de la femme qui a l'allure d'une croûte dans cette robe trop serrée pour elle, je vais prendre ça pour un compliment.

- Vous brassez de l'air pour rien ma chère, vos petites piques ne me touchent guère.

- Il faut dire que vous venez de loin. Vous êtes-vous habitué à votre nouvelle place ? J'ai cru qu'elle était de choix au Musée des Horreurs.

- Mesdames voyons, ce n'est ni le lieu, ni l'endroit pour se genre de joutes verbales. Judith, que viens-tu faire ici au juste ?

- Malheureusement pour moi la ville n'est pas encore assez grande sans que mon vendredi soir ne soit ruiné par votre présence dans un de mes lieux préférés. Je suis étonnée que Philippine se soit jointe à toi Olivier. Je ne la savais pas amatrice d'art.

- Peux-tu nous laisser maintenant que tu es venue nous saluer ?

- Tu gâches un peu notre soirée poil de carotte.

- Vous m'en voyez désolée tous les deux. Si ma présence vous incommode autant, pourquoi n'allez-vous pas ailleurs ?"

Je sais qu'il y a déjà bon nombre de tableaux et de toiles accrochés au mur, mais il y aurait presque une petite place là entre-deux pour que je puisse encastrer cette femme.

"- Nous allions partir justement."

Maintenant ? Ah bah non ! Ça commence tout juste à me plaire cette sortie, attend !

"- Ce fut un plaisir !"

Non partagé.

Olivier m'attrape le bras et m'attire dehors tandis que Timéo nous suit en restant derrière nous.

"- Pourquoi ? J'étais à deux doigts de me la faire !

- Philippine, on n'est pas venue là pour se battre. On était supposé passer une bonne soirée ensemble, sortir prendre l'air, pas se battre avec Judith.

- Tu sais, pour moi une bonne soirée serait une soirée catch avec cette femme."

Je m'imagine déjà le tableau en tête :

" À ma droite ! La grande et irréductible Philippine jusqu'à présent invaincue ! À ma gauche, Judith mois de Mars retentant de gagner le titre pour une troisième fois dans sa brève carrière!"

J'en rêve !

"- Quand je disais que tu te ramollis mamie. Prendre de l'âge ne te vas pas ! Déjà que tu as du mal contre moi alors pour que cette femme puisse te surpasser...

- Hé ! Personne ne surpasse personne. C'est juste que je ne veux pas vous mettre hors jeu tout de suite. Franchement, là ? Ce n'était que l'échauffement.

- C'est ça, oui.

- Timéo arrête de l'exciter plus qu'elle ne l'est déjà. Tu ne sais pas ô combien s'est dur de la calmer après !

- Mais je suis très calme !

- Non, tu ressembles à l'émoji de la colère. Tu es toute rouge.

- C'est la lumière extérieure qui fait ça.

- Mais bien sûr..."

Un jour ou l'autre, cette histoire prendra fin et je ne vois pas d'autre scénario que celui d'une victoire écrasante sur elle.

"- Si ça se trouve, Judith c'est juste le résultat ta peur profonde de voir meilleure que toi. Tu sais, selon une étude, plus tu as peur de quelque chose, plus cette derrière a des chances d'arriver.

- Ah bon ?"

J'ai très peur de Johnny Depp. J'ai très peur de Johnny Depp !

"- Tu fais quoi là ?

- Une invocation."

Ça marche ou pas ?

********************

Mais que vois-je ? Est-ce que quelque chose est sorti plus tôt qu'il ne l'aurait dû ?

Vous avez dû remarquer qu'il n'y a pas de "Prologue" tout simplement car je pense à ce tome comme une suite logique du premier donc on enchaîne les mauvaises rencontres et les farces débiles, notamment dans ce premier chapitre !

En tout cas, je suis heureuse de vous retrouver, même si notre séparation fut courte, j'espère qu'encore une fois, vous allez porter Philippine au plus loin et me botter les fesses si nécessaire.

Je vous embrasse et j'espère que ce petit chapitre aura mit un peu de joie dans votre journée !


Philippine - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant