Il était là, assis...

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Il était là, assis sur son petit lit. Il balançait ses petites jambes dans le vide, tête basse, le regard triste fixé sur le parquet. Il était seul. Désespérément seul, dans sa petite chambre.
La pièce était sale : de la poussière maculait les meubles, l'appui de fenêtre et le sol. Elle formait des petits nounous sous le lit et dans les coins de la chambre. De la moisissure due à l'humidité s'étendait sur le plafond et près de la fenêtre mal isolée. Tout était sombre, gris, terne. Un coffre à jouets reposait près du radiateur qui, même s'il fonctionnait, ne propageait aucune chaleur. Seulement, ce coffre était fermé, aucun jouet ne traînait à l'extérieur de celui-ci.
Cette chambre était tristement vide.
Mais ce qui était plus triste encore, c'était le petit garçon. Il avait des cheveux bruns-châtains ébouriffés, des petits yeux bleus, cernés, que la joie avait déserté. Un visage triste et pâle, orné de petits hématomes, tourné vers le bas. Un t-shirt rouge usé découvrait ses petits bras maigres. Il portait un pantalon bleu dans lequel il semblait flotter. Ses chaussures étaient usées, si bien que les semelles se décollaient.
La maison était vide, aucun son ne résonnait. Le garçon était seul. Enfin, pas tout à fait. Une silhouette brumeuse était assise à ses côtés et l'observait. C'était le portrait craché de l'occupant de la chambre.
Une porte claqua soudainement et les deux enfants sursautèrent puis tournèrent la tête vers la porte de la chambre. Des pas lourd se firent entendre et un homme émergea de la pénombre du couloir.
- T'es là sale gosse. T'as encore rien foutu d'la journée hein ? P'tit merdeux. T'es bien comme ta poufiasse de mère : elle non plus elle foutait rien !
Le père de l'enfant s'en alla en maugréant. Le petit garçon rebaissa sa tête, les épaules basses. Toute la tristesse du monde semblait peser sur celles-ci. Son clone posa sa main sur l'une d'elles.
- Ça va aller... T'inquiètes pas Théo, un jour, ça ira mieux...
Le petit Théo, qui avait tourné la tête vers son voisin, poussa un long et profond soupir.
- Ma bière ! , tonna une voix dans la maison.
L'enfant sursauta puis bondit de son lit pour se précipiter dans le couloir menant à la cuisine et au salon. Il prit une bière dans le frigo et rejoignit son père qui était vautré dans un fauteuil, télévision allumée face à lui.
- Donne-moi ça tête de con.
Il arrache la boisson des mains de son fils. L'homme but quelques gorgées et alors que Théo allait se retirer dans sa chambre, il parla :
- J'aurais peut-être pas dû m'occuper de ton frangin... Quand j'ai réalisé que c'était pas l'bon qu'était mort, j'ai un peu regretté...
Il but une nouvelle gorgée.
- Fallait que vous soyiez jumeaux bande de p'tits cons ! Ça m'en fais quand même un d'moins !
Oui, l'enfant le savait : son propre père était le meurtrier de son frère. C'était en rentrant de l'école qu'il l'avait retrouvé dans leur chambre, baignant dans son sang, couvert de blessures et certains de ses os formant des angles bizarres. Il avait fallu qu'il le traîne jusque dans la forêt derrière sa maison et qu'il l'abandonne là, à la merci des bêtes sauvages. Puis, il était rentré en courant chez lui et avait pleuré de chagrin sur le lit de son défunt frère, tout en veillant à ne pas se faire entendre par son père.
     Théo courut silencieusement jusqu'à sa chambre, des petites larmes  ruisselant sur ses joues creuses.
- Hu... Hugo... , articula-t-il entre deux sanglots, Je... je suis... désolé...
Le frère de Théo s'avança afin de lui faire un câlin de réconfort. Mais au moment de le toucher, Hugo passa au travers et manqua de tomber. Il se recula, frustré, maudissant son père de lui avoir enlevé sa capacité à réconforter son frère.
- Ne t'inquiètes pas, ce sera bientôt fini. On fait comme on a dit, d'accord ?
Théo hocha la tête en reniflant.
     Un peu plus tard, l'homme brutal qu'était leur père vint le voir, ivre.
- Alors gamin... , dit-il en chancelant, Faut se coucher...
Il empoigna le petit garçon par le col, le souleva de terre et le gifla avant de le relâcher brusquement.
- Couche-toi ! , hurla l'homme.
L'enfant, en pleurs, se coucha à même le sol, la respiration hachée.
- Pff... Sale mioche. , maugréa le père.
Il donna un violent coup de pied dans les côtes de son fils et s'en alla, le laissant hoqueter de douleur.
Théo finit par s'endormir, le corps douloureux.
Il se réveilla dans la nuit, se leva, et sortit furtivement de la maison. Aux côtés de son frère fantôme, il entra dans la forêt et s'enfonça dans les bois.
     Ce n'est que quelques jours plus tard qu'une promeneuse retrouva un corps de petit garçon dans un ruisseau. La peau violacée, les yeux recouverts du voile de la mort, la vie avait à jamais déserté l'enfant. Observant la scène, deux silhouettes brumeuses.

Enfance désenchantée Où les histoires vivent. Découvrez maintenant