Se demander de quelle manière nous mourrons? Combien de temps cela prendra-t-il, avant que l'éternelle liberté soit nôtre? Dans quelles conditions? Si cela arrivera demain ou si la vie, dans sa grande bonté, décide de nous faire grâce de quelques heures comparables à des miettes de pain données aux pigeons que nous sommes. Ce ne sont pas des questions que nous sommes susceptibles de nous poser avant que le châtiment ou la libération, cela dépend de chacun, ne nous tombent dessus. Est-ce le volant qui nous coupe la circulation sanguine tellement il est serré ou l'alcool qui remplace en partie le sang dans nos veines, qui nous voleront notre essence vitale et notre chaleur humaine? Ou un autre événement tout aussi insignifiant? Cela sera-t-il douloureux? Ou au contraire apaisant? Cela prendra-t-il une heure ou un jour?
Il ne viendrait jamais à l'idée de quelqu'un de «normal» de s'amuser à anticiper le jour de sa mort dans les moindres détails et encore moins de l'exposer au risque d'être classé suicidaire. Non, il ne me semble pas que l'on se pose ce genre de question avant le moment venu et quand bien même il est très rare, j'exclus les malades gravement atteintes, que cela se passe comme prévu.
La Mort avec un «M» majuscule est imprévisible. Elle frappe à l'improviste ou, au contraire, prend plaisir à prévenir. Mais, dans son hypocrisie, se délecte de la nature humaine et de son dénie jusqu'à ce qu'elle s'en lasse et qu'elle commette son irréversible crime. Un crime qui ne peut être jugé par une quelconque justice, car après tout, qui peut prétendre juger «la Mort»!?!
Voici donc ma mort.
Le jour où ma vie a pris fin.
I
A ceux qui demandent si cela fait mal, je demande en retour: « Avant ou après? » .
Dans mon cas, «l'avant», cette innocente enfance dans laquelle je baignais fut douce. En revanche, la cassure, «le pendant», fut le commencement d'une longue torture. Quant à «l'après» je ne suis pas sûre qu'il puisse un jour exister.
A ceux qui se demandent ce que l'on ressent, je réponds que je qualifierais ça d'ascenseur émotionnel ou montagnes russes de l'émoi interne comme externe! Tout paraît si proche et si loin à la fois. Comme si votre corps interagissais une dernière fois avec la vie qui semble à jamais fuir.
II
La balle... C'est tout ce que j'ai vu. Filer et fendre l'air vers moi et moi seule, faisant abstraction de tout autre individu.
La balle et rien d'autre. Son sifflement et rien d'autre. En réalité, c'est la mort qui, inévitablement, se rapprochait. Dessus, on aurait pu lire mon nom gravé. Comme si les Parques, déesses de la destinée, avaient tissé un fil conducteur qui menait tout droit à mon cœur.
Et ce qui dut arriver, arriva... elle ne me loupa pas.
III
La douleur ne vous anéantit pas sur le coup. Vous tentez, désespérément, de rester debout, de rester fort et digne mais, bien vite, la réalité vous rattrape et vous vous mettez à tituber, à chanceler.
A tomber. Sans espoir apparent de vous relever. Vous criez à l'aide... cherchant de l'aide de n'importe qui mais personne ne semble vous voir n'y même vous entendre.
Vous avez chaud, vous transpirez comme si l'habitacle était trop serré, refermant ses griffes sur vous, vous étouffant. Seule. Vous tentez de tendre la main mais personne ne la prend. Petit à petit, le bruit s'estompe, se fait lointain et votre vue se brouille.
«C'est dans ce silence que seul vous percevez, que vous entendez votre dernier soupir alors que vous vous éteignez».
Voilà comment cela aurait pu finir si nous étions dans un roman, mais non.
C'est ensuite le froid qui nourrit votre solitude. Votre chagrin. Votre douleur.
Votre oubli.
IV
Mais, avant tout cela, quand l'impact vous secoue si violemment que vous peinez à respirer, vous relevez la tête. Comme une obligation, vous cherchez qui vous a abîmé, qui, si violemment, a attenté à votre monde. Et, là, vous le voyez l'assassin de vos jours heureux qui vous toise du regard, qui vous nargue et vous délaisse. Cette même personne qui vous avait donné tout ce que vous avez. Vous la connaissez sans la connaître. Et, pourtant, elle est tout ce que vous êtes...
C'est la vie qui, ce jour là, a décidé de s'en prendre à moi...la vie...ma vie...
Et je suis restée là, dans les eaux froides du cruel sort qui était le mien avec cette impression de toujours tomber, de me noyer sans jamais parvenir à rattraper la blafarde lumière qui danse au dessus de moi.
Ce jour là, c'est la vie qui m'a tuée. La vindicative vie...
Alors, je suis ombre...