1 : la perte

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-Vous me suivez ?J'ai besoin de revenir en arrière constamment, je suis désolée...J'espère que vous me suivez.

Je sais que c'est trop pour ce que c'est réellement...

-Je te suis, tu peux continuer Ema.

Je ne sais pas ce que je fais, mais j'ai besoin de tout lui raconter pour qu'il sache d'où tout ça vient, je ne serai pas ici si je ne pouvais pas tout dire.Je m'en fous du temps que ça prend, faut bien que je m'explique. Je regardais la montre accrochée au-dessus de la tête de Jean, je fixais les aiguilles de la montre, obnubilée par le mouvement et le tic-tac parfaits, sans faute. Et plus je regardais la montre, et plus le mouvement ralentissait en quelque sorte, ma tête commençait à s'enfoncer entre mes épaules et ma bouche s'entre-ouvrait peu à peu.

-Ema?

C'est là le moment où je dois reprendre mon récit.

-Bonjour Nawfal! Vous allez bien ?

J'ai toujours aimé Nawfal, et c'était réciproque. C'était devenu une amie en quelque sorte, même si c'est la mère de Nour. Je suis convaincue que tout le monde l'aimait d'une façon ou d'une autre. Même sans le vouloir,elle souriait et elle avait cet air chaleureux et sympathique. Je me dis toujours que ça vient de sa beauté, de la façon dont elle prend soin d'elle, ses longs cheveux noirs et ses yeux en amande.

-Bonjour Ema, tu viens pour qui ?

La tournure de la phrase m'a fait légèrement sourire, j'étais venue pour les deux.

Il est venu, quand il a entendu le son de ma voix, il est venu. Gabriel.

-Ema, salut !

Il a penché sa tête sur le côté en souriant, il était tout bonnement divin, comme sa sœur,peut-être même plus beau. Boucles décoiffées, t-shirt sale, short visiblement mis à la va-vite, il vient de se réveiller. J'ai avancé et j'ai senti au même moment sa mère sourire, disant qu'elle sortait. La seconde d'après, j'étais assise en face de lui, lui derrière le bar de la cuisine, moi à quelques centimes de lui, et je contemplais sa peau matte, ses yeux noirs et ses lèvres qui bougeaient sans cesse.

-Tu veux manger quelque chose? T'as mangé?

-Oui. Enfin non. Oui j'ai mangé, merci.

Il m'a sourit une énième fois, et moi aussi.

-Qu'est-ce que vous faites?

J'ai sursauté et me suis immédiatement retourné. Elle était là, Nour, debout, juste derrière moi. Comme d'habitude, je ne pouvais pas me prononcer sur son expression, si elle souriait ou pas mais elle avait cet air malicieux, ce demi-sourire, la tête légèrement baissée avec ce regard noir qui la caractérise si bien, en tout circonstance.C'était la copie parfaite de sa mère, la même teinte de peau, les mêmes yeux. Ses cheveux partaient dans tous les sens, ses boucles étaient irrégulières et certaines mèches, toutes lisses, lui arrivaient au milieu du dos, se confondant presque avec son t-shirt trop noir et trop grand. Elle croisait les bras sur sa poitrine, la tête entre les épaules et me fixait. Elle a marché en silence jusqu'au bar et s'est assise à côté de moi. Elle prit une pomme rouge dans le panier posé sur le bar, tout en gardant son air nonchalant et croqua dedans. Elle fixait la pomme tout en mâchant,en la retournant et en la regardant sous toutes les coutures. Elle tourna la tête vers moi et me sourit. Mais c'était pas un sourire,son visage n'a pas bougé d'un poil, ses lèvres avaient juste pris la forme d'un léger croissant de lune, ses yeux n'étaient pas complètement ouverts, mais ils brillaient tout de même. J'avais l'impression d'être en face d'une déesse humanoïde, même Gabriel avait disparu. C'est indéniable, c'était de l'admiration,j'admirais la fille que je considérais comme ma sœur.

PavaneWhere stories live. Discover now