Chapitre 1

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Vendredi 3 avril, 18h.

Il pleut.

Mes pieds martèlent le sol et s'écrasent dans plusieurs flaques. Ma respiration est forte mais régulière, le vent fouette mon visage mais je me sens bien. Depuis combien de temps ne me suis-je pas sentie ainsi ? Je continue de courir sans me soucier des gouttes qui ruissellent sur mon corps. Je salue mes deux voisines octogénaires agglutinées sous leurs parapluies et ralentit le rythme en arrivant devant le hall de mon immeuble. J'arrête ma montre : 7 kilomètres en 1 heure. Il va falloir faire bien mieux si je veux espérer reprendre les compétitions. Je touche mécaniquement mon genou en évoquant cette possibilité.

- Ca ne dépend plus que de toi, dis-je en me tenant la jambe.

Je secoue la tête et ouvre la porte de mon appartement, vide. Atchoum vient m'accueillir et je m'assoie sur le sol pour jouer quelques minutes avec lui. Je l'ai récupéré quand il était encore chaton, et le coryza le faisait tout le temps éternuer, d'où son nom quelque peu farfelu. Je me relève et vais prendre une douche.

Le jet d'eau chaude sur ma peau est agréable et mes muscles se détendent petit à petit. Je secoue la bouteille de shampooing en essayant dans extraire les dernières gouttes - pourquoi j'oublie toujours d'en racheter ? - Au moment où j'éteins les robinets et mets un pied hors de la douche, j'entends la porte d'entrée se refermer et quelqu'un arriver dans la salle de bain.

- Bonsoir Charlie, dit Enzo en entrant

Il se plante devant moi et attrape ma tête entre ses mains, je me hisse sur demi-pointe pour l'embrasser. Il me soulève et me fait asseoir sur le lavabo derrière moi. Positionné entre mes jambes, ses mains commencent à dénouer la serviette autour de mon corps, mais je l'arrête.

- Enzo, ça fait deux jours que tu n'es pas rentré, où étais-tu ? dis-je en attrapant ses mains.

-En déplacement Charlie, il faut bien payer le loyer non ?

Il soupire, sort de la salle de bain, puis crie depuis le couloir :

- On mange quoi ce soir ?

Je m'habille rapidement et le retrouve assis devant la télévision. Je pars à la cuisine faire réchauffer nos deux assiettes et les pose sur la table basse du salon. Comme à l'accoutumée, nous mangeons en silence, en regardant les informations.

- Charlie, n'oublie pas que dans deux semaines, nous avons le gala de tes parents, le samedi soir. Je compte sur toi pour être la plus belle. Je t'ai laissé de l'argent sur le meuble de l'entrée, tu devrais t'acheter une belle robe, dit-il sans même daigner me regarder.

Génial. Ces soirées mondaines sont d'un ennui ! Réunissez tous les gens les plus ennuyants que vous connaissez, imaginez tous les sujets de conversations les plus futiles et vous arriverez presque à comprendre à quel point j'aime ces soirées. Quel est le but me demanderez-vous? Rassembler toutes les personnes les plus influentes d'un même canton et les faire se sentir altruistes par des donations n'atteignant même pas les 1 % de leur salaire mensuel.

Mon père ayant pris Enzo sous son aile, nous ne pouvons pas manquer cet événement au combien inintéressant. Mon père a monté son entreprise d'import/export, à la sueur de son front, il y a gagné la richesse, mais perdu toute occasion de construire un lien avec sa fille. Je n'ai pour ainsi dire jamais grandit avec lui. Il était toujours en déplacement, au travail, où ne s'intéressait tout simplement pas à ma sœur et moi quand il était là. Je lui en avait voulu, de toute mon âme. J'étais jalouse de toutes mes amies qui venaient en compétition avec leurs deux parents.

Hier, Aujourd'hui, À jamaisWhere stories live. Discover now