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Les numéros se situant  dans le couloir 30 sont priés de se diriger vers la salle de dîner. 

C'est cette voix stridente provenant des hauts parleurs de mon couloir qui me réveille chaque matin. Et comme chaque matin, le décompte au dessus de mon lit s'active et m'indique qu'il ne me reste que cinq minutes pour sortir de ma chambre. 

Je me lève de mon lit et me dirige vers le lavabo pour me laver le visage. Le reflet dans la glace m'indique que j'ai encore maigrit. Dans ma garde robe, mes habits se ressemblent tous. Des tons gris, neutres. Le décompte marque deux minutes. Je m'habille en deux temps trois mouvements.

Trois, deux, un...

Un son sourd s'échappe de ma porte qui s'entrebâille la seconde d'après. C'est l'heure. Je sors de ma cellule, enfin, de ma chambre, et rejoins les autres numéros dans le couloir. 

Comme chaque matin, nous sommes alignés par ordre et devons attendre le signal des gardes pour avancer. Devant moi se situe Louis. Et derrière, Jonathan. Moi, c'est Liv. Mais pour eux, nous sommes les numéros 342, 343 et 344. Nous portons chacun un bracelet numérique avec nos coordonnées au poignet gauche.

-Avancez.

Comme des robots, nous avançons vers la porte au fond du couloir, la porte qui nous permet de rejoindre les numéros des autres couloirs. Les échanges entre numéros sont strictement interdit en dehors de la salle de dîner. En arrivant au seuil de la porte, les gardes vérifient nos bracelets. Comme partout, dans la salle de dîner, nous devons prendre place par ordre de nos numéros. 

Louis s'assied à ma droite, et Jonathan à ma gauche. Nos plats sont déjà à table. Froid, comme toujours. Ils estiment que nous n'avons droit à aucun confort. Ils disent que nous n'en avons pas besoin. 

Comme chaque matin, Jo, Louis et moi n'echangeons pas des masses. La salle de dîner, malgré le fait que ce soit le seule endroit où nous pouvons discuter, est souvent plongée dans un semi silence. Seul les bruits de couvert brisent ce calme. Et quelque fois, des bouts de conversations se font entendre. Mais ça n'arrive pas souvent.

-Arrêtez ce que vous faites, nous avons une annonce à vous faire. Aujourd'hui n'est pas un jour comme les autres. Aujourd'hui, vous allez préparer vos valises, car demain, demain vous partirez. Cela fait maintenant plusieurs mois que moi même et les membres du conseil préparons ce projet. Demain nous vous réveillerons deux heures plus tôt que d'habitude, c'est à dire à cinq heures du matin. Nous vous emmènerons dans une ville, une ville désertée, donc non, vous ne verrez pas de personne normale. Vous serrez juste entre vous. Juste entre grisons. 

Grisons était le surnom qu'ils nous ont donné à cause de nos vêtements de la même couleur.

-Vous embarquerez dans plusieurs bus qui vous mèneront la bas. Toutes les règles que nous avons imposées jusqu'à présent s'annuleront dès l'instant où vous poserez un pied en dehors du car. Vous serez livré à vous même dans cette ville jusqu'à ce que nous l'aurons décidé. 

La salle de dîner generalement silencieuse est soudainement plongée dans un brouhaha d'incompréhension. Jamais ils nous avaient parler d'un tel projet. Jamais on ne nous y avait préparé. Jamais rien de tel ou de semblable nous a été communiqué.

-Nous vous invitons à rejoindre vos chambre après votre repas. Nous libérons votre journée. 

Beaucoup trop de questions se bousculent dans ma tête. Pourquoi ? Pourquoi veulent-ils nous insérer dans une ville sans « normaux » ? Pourquoi nous disent-ils ça aujourd'hui alors que nous partons demain ? Pourquoi ne nous ont-ils pas parler de ce projet ? En quoi consiste-t-il ? Je crois que j'aurais bien besoin de cette journée qu'ils nous ont libérée. Je croise le regard d'en Louis. Puis celui de Jo. Ils ont l'air aussi perdu que tout le reste de la salle.

De retour dans ma chambre, je m'assieds dans mon lit et souffle un bon coup. C'est clair que je ne m'attendais pas à cette nouvelle. Je pense que personne n'en s'y attendait. Comment les choses peuvent-elles drastiquement changer du jour au lendemain de cette façon ? Ça fait plusieurs année maintenant, si pas depuis la naissance que je suis dans ce centre. On n'en nous à jamais vraiment dit pourquoi nous étions ici. On nous a seulement dit qu'une population de « gens normaux » vit à l'extérieur de ce centre.

-Toc toc.

La voix de Louis se fait entendre de l'autre côté de ma porte. Sa tête dépasse lentement de l'entrebaillement suivie de celle de Jo. Je leur fait signe qu'ils peuvent rentrer ce qu'ils s'empressent de faire. 

-Tu t'y attendais toi ? me demande Jo en s'asseyant à côté d'en moi dans mon lit.

-Absolument pas, je ne m'en rends pas encore bien compte je pense. Vous arrivez à y croire vous ? Dire que demain nous serons lâchés en pleine nature. Vous pensez que cette ville sera organisée de quelle façon ? 

-Je n'en sais absolument rien et je t'avoue que je ne m'étais pas posé la question. me répond Louis qui s'installe à côté de Jo.

-Ça me fait peur tout ça, ça cache sûrement quelque chose de pas net. Oh je n'en sais rien, ça m'énerve ! dis-je en me laissant tombé couchée sur le lit. 

-Ça va aller, on restera tout les trois ensemble pendant ce voyage, d'accord ?

-C'est sûr, je ne connais personne d'autre de toute façon, c'est pas comme si j'avais eu l'occasion de faire beaucoup de rencontre ici.

-C'est vrai. Vous pensez que c'est loin d'ici, cette ville ?

-Sûrement. Je ne sais pas.

Nous avons passer encore quelques heures à discuter avant que les gardes viennent replacer chacun dans sa chambre. Après avoir finit de ranger mes vêtements et le peu d'effet personnel que j'ai dans une valise que les gardes m'ont donné, j'enlève mes vêtements et me regarde dans le miroir. Mes cheveux noirs sont épais malgré le manque de volume. Ils sont ternes, secs. Mes joues sont creusées, mon teint pâle fait ressortir mes taches de rousseurs. Mes yeux verts sont entourés de cernes. Mon physique montre bien mon manque de santé. Je m'éloigne de mon reflet et m'attache les cheveux en chignon pour pouvoir continuer la lecture d'un livre qu'en j'affectionne particulièrement : sorry de Zoran Dvenkar. Ce livre est une compilation du bizarre. Si c'est à ces personnages que sont censés ressembler les « normaux », je remercie les membres du conseil de ne pas nous mettre dans une ville où ils sont présent.

Je n'arrive pas à me concentrer sur ma lecture, même si je connais l'histoire de Frauke, Wolf, Kris et Tamara par cœur. Je n'arrive pas non plus à dormir. Je reste éveillée assise dans mon lit pendant plusieur heures. 

Je n'en me souviens pas m'être endormie quand la voix stridente de tous les matins me réveille mais avec un message différent cette fois.

Les numéros se situant dans le couloir numéro 30 sont priés de se rendre dans le couloir accompagnés de leurs valises et suivre les gardes jusqu'au car.

Je fait exactement la même chose que je fais chaque matin. 

Trois, deux, un...

Le bruit sourd retentit suivit de l'entrebâillement de ma porte. Je sors dans le couloir.

-Prête ? me demande Louis.

-J'imagine que je n'ai pas le choix. 

-Silence ! aboie un des gardes.

Et machinalement, nous avançons dans ce car, qui nous emmène je ne sais où...


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⏰ Dernière mise à jour : May 27, 2018 ⏰

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