Aujourd'hui est un jour à classer parmi ces fameux - mais trop nombreux - jours où absolument rien ne vaut la peine d'avoir été vécu. Une de ces journées qui se concluent par un violent sentiment de peine, tout aussi incontrôlable qu'inexprimable. J'étouffe dans ce corps qui m'insupporte. La porte d'entrée se claque derrière moi, enfin seule. Un bruit assourdissant raisonne en moi comme celui d'un marteau piqueur en marche dans un tunnel. Précipitation, libération, raison. Trois mots à la terminaison identique mais n'ayant cependant rien en commun. Tout se bouscule. Plus rien a de sens.
Précipitation.
Je n'aurai pu tenir une seconde de plus ce jean slim, ces talons hauts, cette coiffure travaillée ni même ce soutien-gorge devenant oppressant au fur et à mesure que mon cœur s'accélère. Une vague terriblement puissante m'envahit et ravage mon corps qui semble si fébrile à présent. Je n'ai plus aucun contrôle sur moi-même. C'est comme si j'étais possédée tout en restant consciente. J'envoie tout valser. Cette valse d'objets ne reproduit cependant aucune chorégraphie préméditée et s'apparente plutôt à une improvisation orchestrée par le maitre de mon pantin. Comment les fils font-ils pour ne pas s'emmêler ?
Libération.
En aussi peu de temps qu'il ne faut pour le dire, je me retrouve dénudée, plus rien ne touche ma peau mis à part le surplus de graisse en dessous de celle-ci. Pensant me libérer de ce poids qui m'écrase et m'empêche d'avancer, j'ai tout arraché, avant de m'effondrer sur mon lit qui par chance se trouvait assez près de mon corps désormais sans réponse. Je n'ai plus rien d'humain sur moi, je suis à présent cet être fragile recroquevillé et vulnéralbe, enfouillant ma tête dans mes genoux. Je sombre dans la folie, une fois de plus. Une fois de trop. Ce scénario je ne le connais que trop bien, il se répète trop souvent à mon goût. J'en observerais presque une régularité. Mon Dieu, que m'arrive-t-il ? Je voudrais crier, hurler, exploser, mais le si peu de lucidité qu'il me reste suffit à me convaincre du contraire, sous peine d'alerter la population de mon quartier. La douleur est atroce, insurmontable, indéchiffrable. Ca me brûle de l'intérieur, ça me ronge et me détruit. Mais qu'est-ce donc ? Pourrais-je un jour mettre un nom sur ce « ca » qui me hante en permanence ? Pourquoi aucune larme ne s'échappe ? Je ne serais pas contre pourtant, mais ma peine semble vouloir rester silencieuse, rendant la scène encore plus risible qu'elle n'y parait déjà. Mon corps se tord de douleur au rythme de mes gémissements, mais rien ne sort. Je n'ai alors aucun moyen d'expression qui s'offre à ma portée. Toute cette haine et ce dégout reste condensés, prisonniers au fond de moi. Cela rend la douleur encore plus insupportable. A croire que je suis immunisée contre le chagrin après toutes cette souffrance endurée.
Raison.
Je sens l'adrénaline redescendre. La brulure intérieure s'estompe pour laisser place à l'incompréhension. Que s'est-il passé ? Un sentiment de honte me submerge soudainement. J'ai réellement un problème, mon entourage m'internerait de force s'il savait. Je m'ouvre petit à petit, regardant timidement autour de moi. La crise est passé, à quand la prochaine ?