- Société MediCom, Flore à l'appareil, que puis-je faire pour vous ?
Il est à peine onze heures et demi passées et c'est sans doute la trentième fois que je répète cette phrase débile depuis neuf heures ce matin ! Pas que je déteste mon job, mais je ne m'attendais vraiment pas à finir standardiste dans une société pharmaceutique avec un Master en Communication, major de sa promotion, en plus de ça. Mais soit, on s'en accommode pas mal, dans le fond. C'est un peu le rôle pépère, tranquille dans son coin. Le patron ne nous a jamais fait la moindre réflexion, et la plupart des employés se contente de m'ignorer royalement, ce qui me convient très bien, je vous assure ! Je pourrais cuisiner un wok que personne ne me dirait rien ! Un des rares soucis, et le premier d'entre tous... Les clients.
- Bonjour, Madame, je vous appelle à cause d'un souci de machine, pour l'apnée du sommeil de mon mari. J'ai déjà appelé la semaine dernière, on devait me rappeler, mais vous ne l'avez pas fait.
Non, moi, non, je n'allais pas le faire, je ne suis que la standardiste. Par contre, je vais encore devoir secouer le service technique, et ils en ont tellement rien à faire que cette dame va encore rappeler la semaine prochaine, je le sens bien. Et comme je serai en vacances, j'avoue que ça me passe au dessus de la tête !
- Donnez-moi votre nom et votre numéro de téléphone, madame, je vais faire en sorte que le service technique vous rappelle dans les quarante-huit prochaines heures.
Après l'avoir laissé râler durant cinq minutes sur les délais "intolérables" que je lui imposais, soit-disant, je coupe un instant le combiné pour souffler. Si c'est vraiment urgent, elle peut toujours se déplacer. J'ai vérifié, elle habite à moins de vingt minutes en métro ! Pas la mer à boire, je fais le double juste pour venir au boulot... Un appartement dans le centre de Paris est impossible à payer quand on a seulement un an et demi de boîte, ou quand on a pas le compte bancaire de Bill Gates... Ou quand on préfère acheter des pâtisseries tous les quatre matins comme moi. Je me damnerais pour une religieuse au chocolat.
Mon ventre grogne, j'ai une faim de loup. J'étais en retard, ce matin, du coup le bol de muesli et le muffin habituel sont passés à la trappe. Et, alors que je cherche dans mon sac un bonbon, de quoi patienter, un petit rire se fait entendre près de moi.
- Il n'est pas midi et déjà faim, Flore ? Surtout que ta pause n'est que dans une heure ! Évite le plat du jour à la cantine, c'est un plat en sauce, ce midi. La salade aux noix serait parfaite ! Et tiens, ma cousine a essayé ça... Si ça t'intéresse.
En plus de son ton condescendant et de son décolleté moulé dans un haut Chanel parfaitement ajusté, ma sublime collègue, qui au passage rentre sans doute dans du trente-six, trouve le moyen de me mettre encore plus mal à l'aise avec son dépliant... Pour un stage de remise en forme et perte de poids garanti ? Pourquoi pas, après tout, ça pourrait être sympa pendant les vacances. Je me fous complètement de son geste de moquerie gratuite et range la pub dans mon sac, sans répondre à ses provocations insolentes. Mais il y a du progrès. Lors de ma première journée ici, elle m'avait clairement demandé si je venais pour une gastroplastie ! Alors oui, de l'eau a coulé sous les ponts, je ne vais pas me fâcher pour si peu.
Elle fait claquer les talons de ses Louboutin sur le sol, et attrape son sac à main. Machinalement, je regarde l'heure. Je sais qu'elle va encore grappiller un quart d'heure pour pouvoir manger tranquillement ... Et essayer de draguer le commercial qui est revenu ce matin et qui lui tape dans l'œil depuis plusieurs mois. Elle se recoiffe, plusieurs fois, ajuste son maquillage, ses vêtements. Je lève les yeux au ciel. Je ne la comprendrais sans doute jamais, cette gonzesse. Elle a tout pour elle, je vois pas pourquoi elle en fait autant. Mais bon, c'est pas vraiment mon problème pas vrai ? Avec mon quarante-huit et mes tâches de rousseur, c'est pas vraiment moi qu'on regarde dans la boîte... Et, contre toute attente, ça me va aussi très bien. Je déteste être le centre de l'attention. Comme quoi, ça me protège pas mal !
Après dix minutes, à se pomponner sans prendre la peine de prendre un seul coup de fil, elle quitte le standard, sans un mot, l'air hautain, comme d'habitude quoi ! Rien d'extraordinaire... S'il y avait de l'extraordinaire dans ma vie, ça se saurait. Mais je soupire d'aise et fait tourner mon siège, comme une enfant de huit ans. Non, soyons sérieuses, elle et moi n'avons rien en commun, mis à part ce poste... Et je préfère être ronde et folle que guindée et toujours me regarder dans le miroir. Je me mets à glousser pour rien quand la clochette de la porte d'entrée retentit. Le livreur, un jeune d'à peine une vingtaine d'années, mignon comme tout pose un colis devant moi, avec son sourire habituel. Et ses magnifiques petites fossettes sur les joues. Il aurait quelques années de plus, ce serait sans doute flirt et compagnie tous les jours !
- Le colis du jour, Miss ! J'ai appris que tu partais en vacances. Ton sourire va me manquer.
Ooow ! Il est tellement mignon quand il fait ça ! Même si je sais que dans trois semaines, il préférera sans doute le sourire d'Ophélie, ma charmante collègue, son compliment me touche et je lui offre mon plus beau sourire avant de signer le reçu et de le laisser repartir. Vous voyez le collègue craquant sur qui vous fantasmer le soir ? Bah moi c'est lui... Et dans toutes les positions, oui oui oui ! Chantilly, nutella et autres petits suisses en prime !
J'ai à peine le temps de ranger le fameux colis qu'un appel retentit et me coupe de mes rêves pas très catholiques. En j'enchaîne, jusqu'à ne plus penser du tout qu'à ce que j'ai à faire.
Même jour, 16h30
ENFIIIIN ! Je rentre dans mon petit appartement et me laisse tomber dans le canapé avec un soupir d'aise. Les vacances ! Trois semaines à glandouiller chez moi, sans rien faire d'autres que ce que j'ai envie de faire, n'est ce pas merveilleux ? Je fais voler mes petits escarpins et m'assois, correctement, avant d'aller chercher un verre de jus de fruits dans la cuisine. Mais, avant que je ne me lève, un éclair doré m'attire sur la table basse... Une enveloppe, doré comme un slip de catch, posée là, comme ça avec l'exclamation « SURPRISE ! » écrite avec un rose d'un très mauvais goût... Qu'est ce que c'est que ce binz ?
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L'été, mes complexes, et moi !
ChickLitFlore est une jeune femme ronde, enthousiaste, loufoque et maladroite, qui a la fâcheuse tendance à s'arrêter sur ses défauts, physiques le plus souvent. Alors quand ses amies l'entraînent dans une folle escapade estivale, avec une valise qui ne c...