Le commencement

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La sonnerie venait à peine de retentir que déjà, une horde d'élèves se précipitait dehors. Parmi eux, un groupe de cinq personnes ; trois filles et deux garçons qui se démarquaient par leur démarche assurée.

Jackson en faisait partie. Alors que les autres étudiants se dirigeaient vers la sortie, les cinq adolescents décidèrent de s'installer sur l'une des tables de la cour. Jackson s'assit sur la table en elle-même et prit sur ses genoux une jeune femme du nom d'April.

Ces deux-là s'étaient bien trouvés ; ils avaient les mêmes goûts et leur quotidien de couple se définissait en baisers langoureux, même dans les couloirs et à la vue de tous.

— Dis donc ! Vous avez fini ? C'est pas la peine de nous rappeler notre célibat à longueur de journée.

— Sois pas jalouse Jenny, répondit Jackson.

— Alors mec, t'es prêt pour ce soir ? demanda Warren.

— Bien sûr ! Tu crois quoi, on va les écraser ces bouffons. Tu viendras April ?

— Je ne raterais ce match de foot pour rien au monde. C'est pas parce qu'ils ont gagné l'année dernière qu'ils avaient le droit de nous humilier !

— C'est vrai qu'ils n'ont pas été sympas. Mais ça va être dur de les vaincre. Dire qu'ils ont gagné est un euphémisme, ils nous ont carrément laminés ! rétorqua Julia.

— Toi et ton éternel pessimisme...

— Je ne dis que la vérité ! Se surestimer est tout sauf bénéfique. Avouez qu'ils sont très forts ?

— Julia a raison, dit Jackson. On ne doit pas se relâcher, pas vrai Warren ?

— Ouais.

Pendant que le petit groupe discutait, non loin de là, à quelques rues se trouvait Jade.

Comme tout le monde au bahut, elle avait eu vent du match de football qui opposait le lycée d'Abacus Falls à celui de Moondale.

Qui n'était pas au courant ?

La plupart des élèves attendaient impatiemment depuis plus d'un an le temps de la revanche. Et voilà qu'il était venu.

— Enfin, se disait Jade.

Elle ne loupait aucun entraînement de foot. Cachée dans les gradins, elle s'amusait à prendre en photo les membres de l'équipe en s'attardant particulièrement sur Jackson. Le nombre de clichés qu'elle possédait de lui était incroyable.

Digne des plus grands détectives privés, elle connaissait tout sur son passé et sur sa personnalité en général. Elle savait qu'il aimait autant le rap que le reggae, elle connaissait ses films préférés tels que "Le Labyrinthe" ou encore la célèbre saga "Harry Potter". Elle connaissait également ses passions comme le dessin ou le piano. Elle passait son temps libre et séchait parfois même des cours afin de pouvoir l'écouter en secret jouer dans la salle de musique de l'établissement.

Jade n'avait pas besoin de se faire belle pour aller au stade puisque depuis le dessous des gradins, personne ne risquait de la remarquer. Elle était à l'abri des regards tandis qu'elle pouvait absolument tout voir et tout analyser.

Elle décida cependant de mettre une jolie robe d'été à motifs fleuris et de se maquiller légèrement.

— Au cas où, se dit-elle. On ne sait jamais.

Elle jeta son rouge à lèvres sur le lit et prit son appareil photo qu'elle mit dans sa pochette. Après avoir dévalé les escaliers, elle rejoignit ses parents installés confortablement sur le canapé du salon. Elle embrassa leur joue en jetant aléatoirement des coups d'œil à "Love Field", un vieux film parlant de la ségrégation raciale dans les années soixante.

Alors qu'elle s'apprêtait à sortir, sa mère l'interrompit subitement :

— Où vas-tu ?

— Je te l'ai dit cent fois maman. Il y a un match ce soir. Tout le monde va y assister.

— Ah oui c'est vrai. Fais attention à toi surtout.

— Ne t'inquiète pas ; je gère.

— Mère poule, ricana son père.

— Allez, vas-y ma chérie et je compte sur toi pour ne pas revenir après minuit.

— Bien sûr, comme d'habitude. Je vous aime.

Elle fit un dernier clin d'œil à ses parents puis s'en alla. Toujours fidèle à elle-même, elle enjamba de nouveau la selle de son vélo en veillant à ne pas s'écorcher davantage le genou. Sa cicatrice au front la frustrait, Jade aurait voulu pouvoir l'effacer. Heureusement, ses parents n'avaient fait aucune remarque lorsqu'elle était rentrée du lycée en boitillant et avec un pansement sur le visage. Ils lui avaient simplement demandé une explication et avaient été satisfaits de son euphémisme.

Lorsqu'elle commença à pédaler, le léger vent fit envoler ses cheveux et fouetta avec délicatesse les traits de son visage. Le match allait débuter et l'équipe de Jackson avait intérêt à gagner.

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La Folie dans la PeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant