Douce réalité...

17 7 5
                                    


À chaque moitié de siècle une divinité voit le jour. Rien n'est plus somptueux, plus harmonieux que cet être venu d'ailleurs. Aucun individu ne connaît l'exacte vérité de ce rite. La vie se crée tous les cinquante ans en ce même lieu. L'Élivágar était malgré son nom, une eau calme, cristalline, où la lumière ne reflétait nul corps. Seul le vide se contemplait dans l'Élivágar.

Ce nom n'est pas nul de signification. Reprenant le folklore nordique, l'Élivágar est bien l'essence de la vie. Toutes divinités naissent en ce lieu. Des masses blanches, pouvant s'apparenter à des œufs, lévitent dans le ciel. Suspendu à l'Élysée, cet écrin bleu azur où seules les nébuleuses peuvent le feindre.

Mon éclosion m'a été relatée comme étant la plus soucieuse d'inventivité. Je ne faisais qu'un avec cette sphère. Un monde s'était inventé à l'intérieur même de ce cocon de fortune. Un œuf renfermant un monde ? Qui pouvait bien le croire ? Nue, recroquevillée, le regard avide, je ne distinguais que mes cheveux d'un rouge ardent, recouvrant les pans de cette carapace. Des pierres de béryl rouge tournoyaient dans un sens incertain autour de mon corps. Un lien fort me reliait à ces pierres de couleur chaude. Chaque particule en ce lieu représentait un vaste échange de raisonnement.

Les eaux tumultueuses ne cessaient de fragiliser cette délicate écaille, jusqu'à la rompre définitivement. La baille se déversa dans l'Élivágar, mélangeant ces deux Univers. Mon avènement détruisait ce monde restreint dans lequel je m'étais développée. Chaque battement de cœur devenait dangereux. Je me nourrissais d'un environnement à la fois sain et misérable. Misérable par sa petitesse. N'importe quel Homme était dans la capacité de le pulvériser. Celui-ci n'apprendra jamais de ses erreurs.

Dans un silence étrange, mon cri se présentait comme la délivrance d'une ère effacée, d'une ère qui veut enfin se révéler et survivre. Les derniers restants de cette enveloppe qui m'entourait disparaissaient. Lévitant sur l'Élivágar, je me présentais à cette population d'êtres sournois et faibles. Je devais les « affronter », montrer que je n'étais pas une simple élue mais l'élue qu'ils attendaient depuis tant de temps. Je relevai la tête puis les fixais un à un. Mes yeux rouges sang, ne les laissaient guère indifférent. Ils n'osaient pas me regarder plus de quelques secondes. Je jubilais, la peur oscillait de part et d'autre, les paralysants un à un.


À ce moment là, je ne savais pas quels sentiments envahissaient et brûlaient leurs corps, leurs âmes. Je me languissais de cette anxiété. Elle était peu commune. La peur de l'inconnu. Aucun d'entre eux ne pouvaient prétendre me connaître, ou bien percer mes intentions.

Je marchais jusqu'à atteindre leurs terres. Pas après pas, je me contemplais dans ces eaux. Pas après pas, mon essence se détériorait. Pourquoi donc un tel acharnement contre mon corps ? Mon âme ardente méritait-elle ça ? Relevant la tête, je dévisageais ces créatures, postées devant moi, attendant que « leur » divinité arrive jusqu'à eux. Le dernier pas fut le plus difficile, le plus contrariant. Je devais, dès ce dernier pas, m'adonner à ces individus et parfaire leurs réclamations.

Tous m'acclamaient. Était-ce par courtoisie ou pour une quelconque appétence ? L'Homme connaît-il la courtoisie ? Ou bien la civilité ? Chacun de ces termes créés, définis par l'Homme, ne sont que purs mensonges pour s'identifier comme « sain ». L'Homme tel qu'il nous apparaît au fil des siècles n'est rien qu'une créature que nous associons à un animal.

L'amertume et la souffrance n'étaient plus que deux termes synonymes, synonymes de mon mal-être, faisant échos à tout autre chose. L'aboutissement. Le mal altérait mon esprit, ma conscience. Je m'approchais de l'un de ces Hommes. Un enfant de bonne composition.

- Passe tes frêles doigts dans ma chevelure, veux-tu ?

Cet enfant était distinct des autres. Seule son enveloppe corporelle se rapprochait de la race humaine. Durant quelques instants l'hésitation pouvait se lire sur son visage. Partagé entre la fougue qui définissait sa jeunesse et l'hésitation propre à chacun.

- Allez mon enfant, fait cela pour moi. Lui disais-je.

Ses gestes étaient chancelants, mais je me souviendrai toujours de sa réaction, de sa peur lorsqu'il toucha ces cheveux peu communs.

Les sens de ma personne ne réagissaient pas au touché délicat et hésitant de ce jeune être. Pourtant persuadée que seule cette âme pure pouvait me réveiller de cette nuit éternelle.

Je souhaitais que ses émotions prennent le dessus, que son véritable « soi » puisse se révéler sans que la réticence ou la peur caractérisant l'humain ne le contiennent.

- Laisse-toi faire. La nature de l'Homme ne peut cohabiter avec ce doux monde.

Le garçonnet, un brin insouciant ne pouvait imaginer le danger qu'il encourait. Mes deux mains s'approchèrent de son visage aux traits fins. Un arc bleuté l'illuminait, faisant lien entre sa personne et mon esprit. Son âme n'était pas aussi robuste qu'elle pouvait le laisser paraître. M'étais-je trompée sur son aptitude à supporter la Transition ?

Seul le blanc de ses yeux était visible. Il me quittait. Livide, les bras écartés et raides, il s'effondra à terre. Le simple contact de son corps avec le sol le réduisit en cendre. Chacune de ses particules gravitaient autour de moi. Était-ce pour me remercier ? Après tout je l'avais délivré de cette enveloppe corporelle qui, d'une façon ou d'une autre, l'aurait elle aussi détruit. 

You've reached the end of published parts.

⏰ Last updated: Jun 06, 2018 ⏰

Add this story to your Library to get notified about new parts!

La Rose de Cristal (En pause)Where stories live. Discover now