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Mon réveil sonne. Celui-ci me fait émerger de mon court sommeil qui n'a sans doute pas eu le temps de consolider quelconque partie de ma mémoire ou même de faire diminuer la fatigue, omniprésente chez moi.

C'est alors les yeux toujours fermés que je prends mon téléphone qui continue incessamment son vacarme matinal.

Je glisse mon pouce sur la partie tactile de l'engin démoniaque, les yeux encore semi-clos. Puis, par une volonté de fer, je me décide à les ouvrirent entièrement.

L'écran de l'appareil m'aveugle tout d'abord avec sa lumière qu'il émet perpétuellement, et qui parvient malgré tout à illuminer ma chambre dans toute son intégralité, puis à force de cligner des yeux, cette ampoule de poche m'extirpe du sommeil.

Dans un geste habituel, je déroule ma barre de notifications pour jeter un oeil à celles-ci. De toutes, je n'en conserve qu'une, celle d'Intagram.

Je m'empresse d'appuyer dessus.

Cette petite pression me conduit directement à l'application qui m'attend impeccablement comme chaque matin depuis trois ans.

Comme à mon habitude, je ne prend pas le temps de regarder mon fil d'actualité. Et me dirige à une vitesse fulgurante, comme par réflexe, sur la rubrique illustré d'un coeur.

Là-bas, je contemple le nombre de personne s'étant abonnés à mon compte durant cette courte nuit ainsi que le chiffre qui s'élève au-dessus de la barre des milliers sur mon dernier poste, le tout en ne cessant d'envier le montant de mon ami sur sa dernière photo, postée hier. Après tout, comment avait-il pu avoir autant de "J'aime" sur une simple photo de paysage ?

Ce n'est qu'après ces quelques fugitives minutes que je poursuis mon chemin vers mon fil d'actualité délaissé un peu plus tôt.

Je ne m'attarde pas sur les "Stories", jugeant l'inutilité de leur présence ainsi que mon temps que je qualifie de trop précieux pour le gaspiller injustement pour des inepties pareilles.

J'expédie à toute allure les photos. Sans doute car je suis plus concentré sur les chiffres à l'extrémité du coeur que par l'image en elle-même.

Il est maintenant neuf heure et demi. Cela fait déjà une heure et demi que je parcours le réseau social. Mais je ne compte pas m'arrêter là.

Je m'apprête à prendre une photo de ma personne encore dans son lit, cependant avant que je ne prenne le cliché, je m'arrange pour faire ressortir mes atouts. Je prends ensuite une vingtaine de photos que je tarde à départager. Puis  enfin, j'exporte la grande gagnante sur mon ordinateur qui se reposait à proximité et la passe au bistouri.

Entre moi et la personne sur la photo, il n'y a aucune ressemblance. Elle est beaucoup plus belle et moins banale.

Ensuite, je la renvoi sur mon smartphone pour la publier par la suite. Mais alors que je suis sur le point de terminer cette tâche, un son bas m'interpelle.

Je tourne aussitôt la tête vers l'émetteur de ce bruit et aperçois mon chat qui miaule au pied de mon lit. Je le regarde d'incompréhension avant de me rendre compte qu'il est douze heures et que sa pauvre gamelle est vide.

Peu après ce léger tour d'oeil, je repose mon regard sur cette triste bête. Des larmes se forment au coin de mon oeil. Ma bouche se crispe.

《 Je suis désolé. Je suis désolé. 》

Je me lève de mon lit, ferme mon ordinateur, laisse mon téléphone, retourné, sur le lit.

Je le caresse doucement sous la cadence de ses apaisants ronronnement et le prend, par la suite, dans mes bras, ressentant ses côtes.

《 Depuis combien de temps je t'ignores, hein ? Pourquoi... Pourquoi continues-tu de m'aimer... ? 》

J'éclate en sanglots.

Je pose ma tête dans sa fourrure dans le même instant.

《 Je suis tellement désolé... 》 murmure-je.

*

L'après-midi passa sans que je touche à aucun appareil technologique, abandonnant, pour cette journée du moins, les réseaux sociaux, qui me stressaient, m'oppressaient et me faisaient oublier la vraie vie, que je mène comme une personne banale, ici.

Jamais je ne cesserais de remercier mon chat. Jamais. Et je ne m'excuserai jamais assez à lui non plus.

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J'ai écris cette courte histoire à partir de la chanson : Instagram - DEAN. (Média)

Merci d'avoir lu cette histoire écrire à la va vite.

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