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En ouvrant les paupières, mes yeux firent la connaissance avec un nouveau monde, un monde que je ne connaissais pas, un monde terne, fade, dépourvu de toute couleur. 

Je me trouvais au beau milieu d'une immense foule, sur ce qui semblait être le quai d'une gare. Je restais sans bouger, regardant ce qui m'entourait. Les gens autour de moi marchaient tous au pas, les uns derrière les autres, de façon rangée et ordonnée, presque symétriquement et en rythme. Toutes émotions semblaient avoir quittées leurs visages, ils se contentaient de marcher dans la direction où ils devaient aller.

L'endroit était très calme, pourtant dans mes souvenirs une gare ne pouvait en aucun cas être aussi silencieuse. Seul le bruit métallique des portes automatiques et des trains troublaient ce silence religieux. Leurs vêtements sobres, gris, noirs ou blancs, étaient en accord avec la morosité du lieu. Et moi, statique au centre de ce troublant spectacle, j'eus l'impression de faire dissonance avec l'ordre si parfait auquel tout le monde était habitué. Pourtant personne n'eut la bonté de lever les yeux vers moi et de me toiser. Comme si cela n'affectait en aucun cas leur quotidien.

Soudain, une puissante vibration retentit et fit secouer mon corps tout entier. Paniquée, je jetai un coup d'œil inquiet autour de moi, mais personne ne réagissait.

« Le train entre en gare, veuillez vous écarter des voies. Merci. » Résonna une voix féminine aux tons métalliques sur le quai.

« Ce n'est rien, calme toi Harielle, c'est juste un train. Rien de plus. » Me dis-je pour tenter vainement de me rassurer. Après tout, je devais m'attendre à toutes éventualités, je n'avais même lu pas le résumé de la boîte, je ne savais donc pas à quoi m'attendre. Et ce monde semblait si... étrange.

Les portes automatiques s'ouvrirent sans grincements stridents, elles avaient l'air flambant neuf, modernes au possible. Je commençai à marcher pour me fondre dans la masse afin d'entrer à mon tour dans le wagon. La foule était si dense que je regardai mes pieds pour ne pas trébucher. Mais soudain, en levant les yeux, je m'arrêtai net. Mon regard fut immédiatement attiré par deux orbes bleus qui brillaient dans le wagon, en face des portes, comme deux pierres précieuses en lévitation. Je ne pouvais m'empêcher de détacher mes yeux de ces saphirs, dont la couleur me faisait presque penser à celle d'un lagon mystérieux, si profond et troublant à la fois, contrastant totalement avec le décor alentour, si terne et fade. Et j'en oubliai même où et pourquoi je me trouvais ici. J'en oubliai presque que tout ceci n'était pas réel.

Une femme me bouscula légèrement le dos, je détournai les yeux, perdant ainsi le contact le visuel. La scène m'avait parue durer de longues minutes, alors qu'en réalité tout s'était déroulé en moins de deux secondes. Je relevai précipitamment la tête, cherchant la personne à qui ces yeux appartenaient. Je ne la trouvai pas. En l'espace de ces quelques secondes, le wagon avait semblé illuminé par le soleil, et un sentiment chaleureux de joie et de bonheur m'avait alors parcouru. Mais en vérifiant à travers les fenêtres, de sombres nuages gris parsemaient le ciel, ne laissant passer aucuns rayons. Un bip assourdissant retentit, annonçant certainement la fermeture des portes. J'observai l'endroit où j'avais finalement atterrit, poussée par la foule. Je me trouvai près des portes, mais toutes les places semblaient prises et je n'avais nulle part où m'accrocher ; le wagon était bondé.

Soudainement, je sentis quelque chose, ou plutôt quelqu'un, m'attraper le bras et me tirer vers l'extérieur du train. Au même moment les portes commençaient à se fermer. Je n'eus aucune réaction, trop d'actions se déroulaient en même temps. Je me contentai de fermer les yeux et de prier pour ne pas tomber sur les rails, ou pire, me faire écraser par ces immenses bouts de ferrailles qui se rapprochaient dangereusement.  

Jeu de couleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant