Campus 1.0

Chapitre 1 - Nouvelle vie

Je serre les jambes, par timidité ou par pudeur.

Il est vrai que me retrouver ici m'impressionne. Tout est tellement grandiose, comme dans les films ! Je n'ai pas encore eu le temps de découvrir l'immensité du campus Makka. À la place, je me retrouve dans ce bureau à l'allure vieillotte parce qu'il est entièrement boisé et je suis entourée de livres plus anciens les uns que les autres. D'ici, je peux même voir qu'une épaisse couche de poussière recouvre toutes les étagères.

Jane est la conseillère qui va m'accompagner dans ma rentrée. En fait, elle s'occupe déjà de moi depuis le début de l'été, avant même que je n'arrive aux États-Unis, et pour cause, c'est une amie de lycée de ma mère. Elles n'avaient plus contact depuis de nombreuses années, mais le fait que j'intègre l'université où elle travaille les a rapprochées de nouveau. Alors par téléphone, voire même souvent par visio, Jane prépare mon arrivée avec le plus grand soin. Appartements, fournitures, cours, tout est supervisé et vérifié en détail. Sans elle, je serais un pauvre petit poisson perdu au milieu de l'océan. Au vu de son enthousiasme sans faille, j'avais hâte de voir si elle était aussi impliquée en vrai qu'à des milliers de kilomètres, et je vois que... ici, c'est encore pire! On dirait qu'elle n'a pas de vie en dehors du campus. Non mais sans blague, elle me fait penser à une accro du travail qui ne vit que pour sa carrière. Espérons que je me trompe.

Elle s'assoit sur le sofa rouge à côté de moi. De plus près, elle a l'air encore plus fatiguée. Sans méchanceté aucune, elle me parait... si fade. Ses cheveux raides lui arrivent en bas du dos, ils sont ternes et secs. Si elle a essayé de maquiller sa bouche en bordeaux, cela ne fait qu'accentuer ses cernes qui semblent grandir au fil des minutes. Malgré tout, Jane est très gentille. Elle se montre adorable envers moi et ne cesse de me parler d'une voix douce et tendre. Elle tient à ce que je la traite comme ma grande sœur, ce qui m'amuse parce qu'elle a l'âge de ma mère.

Ma conseillère pose bruyamment un dossier où est inscrit mon nom. La lourdeur des feuilles fait envoler un nuage de poussière. Comme s'il n'y en avait pas assez. Elle y cherche frénétiquement un document, mais ne semble pas le trouver. Contrariée, elle me demande :

— Tu as bien envoyé tes photos d'identité ?

— Oui, la semaine dernière.

Elle semble vraiment agacée.

— Je reviens, dit-elle en sortant rapidement de la pièce.

Très bien, elle me laisse seule... Je ne suis pas très à l'aise ici, cet endroit est si austère, si ringard... Soudain, une tentation m'effleure. Elle commence à brûler mon esprit, tout doucement, comme à chaque fois. Je résiste. Non, je ne vais pas me lever. Non, je ne veux pas prendre de risques maintenant. Mais j'avoue que je fouillerai bien les dossiers des étudiants... Juste pour y trouver quelques anecdotes croustillantes. Rooooh, non ! Je chasse cette idée stupide de ma tête. Involontairement, mes yeux parcourent quelques objets posés devant moi.

Je n'ai pas bougé d'un centimètre quand Jane revient, soulagée d'avoir mis la main sur mes photos. Est-ce qu'elle est autant énergique parce qu'elle a bu trois café ? Je le sais parce que des gobelets en bambou sont encore sur son bureau.

Je jette un œil inquiet sur la photo d'identité qu'elle agrafe à une feuille. C'est ce que je craignais... Ma mère s'est occupée de le lui envoyer et visiblement celle qu'elle a choisie est... horrible. J'ai l'air tellement stupide ! Un faux sourire tranche avec mon regard sérieux, beurk ! Mais je n'ai pas le choix, sans ça, mon dossier ne passera pas et le campus serait bien capable de faire un scandale pour une simple photo manquante. Et quand je parle du campus, je vise clairement Jane.

— Voilà, c'est complet ! clame ma conseillère, satisfaite.

Ce n'est pas trop tôt ! J'ai tellement hâte de découvrir cet endroit ! Sauf que tant qu'elle n'a pas fini, je ne risque pas de mettre un pied dehors. Et moi, je n'ai pas envie d'être en retard à mon premier cours. Hors de question de me faire remarquer.