ALEA JACTA EST
Le matin venait à peine de se lever que déjà les rayons d'un soleil cruel donnait aux pavés des ruelles la couleur du sable brûlant. La foule de badauds commençaient à s'épaissir dans les artères sinueuses d'Ostia et le port voyait les pêcheurs retardataires prendrent le large dans leur embarcation délabrée et rongée par le sel.
Les étals prenaient les mille et une nuances des marchandises diverses et variées et les vendeurs entamaient leur messe fantasque, leurs voix réunies dans un magma assourdissant qui n'en finirait qu'à la nuit tombée. Le tumulte du marché aux esclaves ne viendraient que plus tard. Lorsque le soleil serait au plus haut dans le ciel et que les chaleurs deviendraient bien moins supportables alors.
Cependant l'esclavagiste Agrippa, était déjà des premiers à s'installer. Et son emplacement, juste devant une habitation sans beauté lui appartenant, lui offrait une place de choix.
Il ne supportait pas d'être en retard lorsqu'il s'agissait d'harponner le client.
Et ce jour, il était d'une fébrilité peu coutumière, allant et venant en tous sens en vociférant des ordres à Fovellus.
Fovellus, cet homme bon et modeste était son esclave personnel. Il était de ceux qui manifestait un tant soit peu de gentillesse à mon égard. Moi, la marchandise de luxe.
Je délestais le tableau fatiguant de ses allers et venus pour me focaliser sur les promeneurs déambulants entre les devantures ne jetant que des regards sans intérêt autour d'eux. Les hommes, parlant fort, tentaient de se donner de l'importance auprès de leur interlocuteur tandis que ces dames, vêtues de leurs plus beaux atours, riaient à gorge déployée et retenaient l'instant d'après une mine faussement timide derrière les foulards colorés recouvrant leurs fausses chevelures longues et parfaitement coiffées. Mais si vous regardiez plus attentivement ce spectable, vous pouviez réussir à discerner les petits détails qui laissaient entrevoir les failles dans leur jeu navrant. Une petite estime de soi venait transparaître dans un florilège de couleurs toujours plus vives des tissus ou encore la démonstration de toute la richesse d'un homme se faisait dans l'exposition de bijoux outranciers et volumineux.
Cette observation finissait toujours par me fatiguer et alors il ne me restait plus que mes souvenirs pour échapper à ma cage.
- Que caches-tu là-dessous, vieil Agrippa ?
L'homme qui venait vers nous et qui déjà se penchait pour m'apercevoir au travers du linge de lin dont était recouverte ma cage puait de forts relents d'alcool et de sueur. Je reculais déjà pour me retrouver très vite acculée contre les barreaux de fer.
- Cesse de geindre, l'ivrogne, elle est au-delà de ta bourse. Répliqua Agrippa en repoussant avec dégoût l'opportun du mieux qu'il put malgré son imposant embonpoint.
Le visage glabre de l'homme se barra d'un sourire édenté grotesque et il se remit en chemin, titubant pour rejoindre le flot de la fourmillière de plus en plus noire de monde.
Agrippa le regarda s'éloigner puis il tourna ses yeux dans ma direction sans que je ne puisse déterminer l'expression sur son visage rougeot. l'esclavagiste finit par rejoindre Fovellus en pleine discussion avec d'autres marchands d'esclaves pour me laisser telle une bête bien docile enfermée dans son enclos.
La matinée me parut durer une éternité et le monde extérieur être si lointain. Dans cette cage minuscule qui ne me permettait pas de me relever, je me prenais à imaginer être ailleurs. Loin d'ici et de tous ces étrangers dépourvus de toute humanité. Avec mon père, dans notre maison.
Ce fut un bref silence dans le tumulte qui me sortit de mes songes. L'air venait de s'épaissir tout à coup et les regards des personnes alentours tournés dans la même direction m'interpellèrent. Je me rapprochais des barreaux du devant, enroulant mes longs doigts autour pour caler mon visage tout contre et tenter d'apercevoir la raison d'un tel mutisme.
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ABSOLUTUM DOMINIUM
Historical FictionALEA JACTA EST Il est d'incroyables récits qui content l'existence des grands hommes ayant peuplés la terre à une époque si lointaine qu'elle pourrait paraître légendaire. Mais quand est-il de ceux dont l'histoire ne se souvient pas. Ceux qui n'on...