J'ai versé du thé glacé sur son corps chaud. Et devinez quoi ? Son corps était si brûlant que de la fumée a commencé à s'évaporer dans l'air. J'ai essayé de la caresser mais elle était encore bouillante.
Un peu comme son humeur dernièrement. Je n'ai pas vraiment compris ce qui lui arrivait. Son regard, ses traits. Ses mouvements et même ses vêtements puis sa façon de se maquiller avaient changés. Si je regardais en arrière et devant moi juste après, je l'aurais à peine reconnue.
Elle ne me voyait plus. Et je ne faisais que la contempler. Maintenant, elle ne pourrait plus m'en empêcher.
Une heure avant, elle m'avait jeté son milkshake à la figure alors que je venais de la demander en mariage. En pleine rue devant plein de monde. Puis elle m'a pris par le poignet et traîné jusqu'à la maison sans jamais me lancer un regard. Qu'il m'est difficile de ne pas la voir, même qu'un instant.
Après m'avoir jeté sur le canapé près de l'entrée et fermé la porte dans un grand vacarme, elle m'a hurlé dessus que notre relation était impossible. Et sale. Sale. Que l'on en avait parlé déjà mille fois. Et que ça ne se faisait pas. Ou plus, si vous voulez mon avis. Elle m'avait aboyé que j'avais un problème, comme à chaque fois qu'elle ne comprenait pas. Qu'elle ne me comprenait pas. Mais ce n'était pas grave. Il y a longtemps que je n'écoute plus que moi.
Moi je savais tout d'elle. Depuis tout petit, je la voyais d'un oeil qu'elle n'a jamais su saisir. Tout ce temps passé avec elle n'était jamais assez. Je la voulais pour l'éternité. L'éternité. Sentant son irritation augmenter au fur et à mesure que j'argumentais, sa voix haussait tandis que la mienne se renfermait. J'avais fini par me lever lentement. Elle avait continué de gueuler en agitant ses bras dans tous les sens. Je marchais dans la pièce éclairée par le soleil qui traversait nos beaux rideaux. Elle continuait et je me rapprochais.
Je me rapprochais. Je ne disais plus rien. Parler avec elle revenait surtout à l'écouter. Mais le timbre de sa voix était si envoûtant qu'il n'y avait rien de dérangeant. Ses mots s'envolaient comme un chant d'oiseau à mes oreilles. Sa gorge qui montait et descendait suivant les magnifiques sons qui sortaient de sa bouche voluptueuse.. Elle avait l'air si douce.
Sans m'en rendre compte, mes doigts étreignaient, effleuraient, épousaient de ses bouts sa jugulaire. Et petit à petit, son ton se tarit. Maintenant, j'avais enfin le temps de tout lui expliquer. Ce que je ressentais vraiment, ce qu'elle avait réveillé en moi il y a de cela dix-sept ans.
Dix-sept ans d'attente. C'est long, vous ne trouvez pas ? Moi oui. Je suis quelqu'un de patient. Mais pas elle. Elle n'a jamais pris une seconde pour essayer de m'entendre. De me voir autrement.
Elle ne répliquait pas. Le seul qui ait répondu à mon discours dans la pièce était le feu qui crépitait sagement juste devant nous. Je continuais de la regarder. Peut-être que maintenant, je pouvais toucher sa joue. Les flammes du feu se reflétaient dans ses si beaux yeux..
Sa peau se colla à mes doigts et glissa en même temps que ma main jusqu'à son menton. Elle restait belle malgré tout. Je l'appelais. Peut-être avais-je réussi à la bercer pendant que je lui parlais ? Je lui secouais un peu les épaules. Rien. Je l'appelais de nouveau.
...
Pourquoi ne se réveillait-elle pas ? Elle m'avait dit quelques minutes auparavant que je lui glaçais le sang. J'ai juste... Juste voulu la réchauffer autrement.. Elle avait refusé mes bras.
Ça m'arrivait de le faire moi-même. Plonger la tête dans la braise et parfois même le corps, un instant, les jours d'hiver. Était-ce parce qu'il faisait déjà chaud dehors ? Je la solliciterai plus tard.
Mais elle ne répondait toujours pas. Alors je décidais de faire la sieste contre elle, par terre. Dans le salon. Devant la cheminée. Elle se réveillerait peut-être plus tard.
Bonne nuit, maman.
YOU ARE READING
Elle
HorrorVous serez dans les pensées d'un homme éprit éperdument d'une femme inatteignable.