Etreinte glacée

Partie 2 (suite)

Axel

2003, Lyon

Partenaire. Un mot rempli de contradictions et de promesses. Le travail et l'acharnement de Marina et Axel payèrent. Les danses imposées perfectionnèrent leur synchronisation. Ils s'adaptaient au rythme de l'autre, effectuaient leurs poussées avec la même puissance. Ils dansaient ensembles. Ils parvinrent à trouver leur rythme. Ils ne comptaient plus les fois où ils s'étaient désynchronisés, allant jusqu'à se percuter douloureusement. Désormais ils se souvenaient avec amusement de leur première suite de pas. Au deuxième pas ils s'étaient décalés d'un temps, conduisant à la collision et à un atterrissage forcé sur le postérieur. Ce dernier se souvenait encore de l'ecchymose qui l'avait marqué durant deux semaines rendant difficile la position assise.

Aujourd'hui leurs twizzles vibraient au même rythme. Ils parvenaient naturellement à s'orienter l'un à l'autre et sentaient le corps de leur partenaire. A travers les compétitions ils démontrèrent à tous ceux qui ne croyaient pas en eux, que leur formation tardive ne les pénaliserait pas. Peu importe, s'ils ne patinaient pas ensembles depuis leurs dix ans, leur complicité les unissait dans l'adversité. Ils se reposaient l'un sur l'autre pour avancer rapidement.

Muriel les suivait depuis le début. Ce couple s'était formé sous son avis. Il progressait sous ses conseils et reposait sur la confiance qu'elle portait à ses poulains. Patiemment elle tailla le diamant brut qu'ils étaient, et les prépara à la saison prochaine. Leurs résultats précédents étaient encourageants, suffisamment pour qu'elle cherche à aller encore plus loin.

*

Dernière compétition de la saison. Le couple effectua son dernier entrainement à domicile avant de décoller pour les championnats juniors de danse sur glace. L'œil vigilent de Muriel ne ratait aucun de leur mouvement. Elle repérait toutes leurs erreurs. S'ils devaient en produire, c'était aujourd'hui. Demain il serait trop tard. Sur la glace de la compétition l'ambiance serait autre. Chaque geste serait analysé par les concurrents et les juges. Il fallait se montrer irréprochable. Leur pays comptait sur eux. Depuis la retraite du couple olympique lyonnais, la France avait besoin de nouveaux champions. Tous les regards se braqueraient sur eux, d'autant plus que c'était leur dernière année en junior.

Pour la saison suivante, Muriel avait décidé de les basculer en compétition sénior. Ce changement risquait de faire chuter leur classement. Leurs adversaires seront plus expérimentés, et plus matures, mais cela leur permettrait de se positionner pour les futurs jeux olympiques. Muriel restait lucide, et ne visait pas ceux de Turin. Elle préférait laisser cette chance à d'autres couples. La France avait un quota limité pour son nombre de couples qu'elle pourrait envoyer. En revanche pour ceux de 2010 la question se posait déjà. Ses poulains feront partis du voyage.

Plus que jamais, Axel se concentra sur sa séance de travail. Accoudée à la rembarde, Muriel leur délivrait de précieux conseils, dans le but d'améliorer leur programme. Elle leur adressa un signe de la main, et ses élèves s'approchèrent du bord. Le visage rougi par l'effort, ils s'hydratèrent avant de recueillir ses remarques. D'une voix posée, sans énervement, elle leur exposa les points d'amélioration.

— Restez bien unis à la pirouette. Votre jambe d'appui doit être davantage tonique.

Marina s'était relevée légèrement trop tôt dans leur pirouette assise, leur faisant perdre quelque peu de vitesse.

— Axel pense à ton gainage lors des portés, ajouta-t-elle bienveillante.

Le jeune homme hocha la tête. Les deux patineurs gravèrent les conseils dans leur tête, afin qu'ils ressurgissent au moment opportun. Ils repassèrent mentalement leur routine modifiée, puis retournèrent sur la glace répéter une fois de plus.