Chapitre 2

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 1960, la ville de Grande-Rivière est pleine de promesses tout aussi belles les unes des autres. Les gens affluent de tous les coins du pays et veulent tous la même chose : la belle vie de la pêche. Le poisson est une richesse comme il ne s'en fait pas ailleurs et il semble même être de plus en plus gros et gras chaque année que le bon Dieu amène pour ses brebis. Les gens en veulent de plus en plus, la poissonnerie du coin fait des profits à faire craquer ses portefeuilles. Le magasin général Robin s'amuse à flouer les gens comme il se doit en gardant les poissons frais pour eux et vends les poissons les plus avariés aux pauvres de la ville. Ah ! Mais quelle injustice, diras-t-on. Malheureusement, ce fut trop le cas. La poissonnerie du coin souffrait elle aussi de ce joli petit jeu du plus fort en vendant du mieux qu'elle pouvait ses poissons. Cependant, comme toute chicane, elle devait se terminer. Sauf qu'ils n'ont rien fait et ce fut le grand déménagement des poissons vers un lieu plus sûr pour eux qui était la cause de cette trêve imaginaire... En seulement quelques années, ce déménagement amenait la misère noire sur la ville et tous espéraient que les poissons allaient revenir en leur criant qu'ils étaient bien ici avec tous ces gens qui les mangeaient. C'est bien de rêver par contre, mais pas trop. S'imaginer que les poissons reviendraient de leur plein gré, c'était comme s'ils demandaient au pape de leur promettre une place au ciel pour éviter Belzébuth.

Malgré leurs airs de saints, les Grands-Riverains étaient loin d'en être. Chacun avait sa propre loi et s'ils pouvaient détruire la réputation de son prochain avec enthousiasme; ils le faisaient avec un empressement proche de l'extase. Le curé de la paroisse s'en donnait lui aussi à cœur joie dans ce jeu de destruction. Rien ne pouvait arrêter la population de crier des insanités aux gens. S'ils sortaient du cadre, les noms de « tapettes », « bons à rien », « chiens sales » et même de « pourriture de la vie » fusaient de toute part. On aurait même pu croire que c'était une façon bien à eux de se saluer. Les nouveaux arrivants qui déménageaient dans ce coin perdu de la Gaspésie, s'attendaient à tout sauf à cela comme accueil. Cependant, l'expansion de la ville allait bon train même si les poissons avaient fugué. Ils construisaient de nouveaux bâtiments qu'on appelait cégep, école des adultes et secondaire. Les jeunes allaient s'instruire et probablement qu'une tête creuse allait trouver la solution pour ramener les poissons dans la ville.

C'est dans cette ville en plein déploiement que mon père est né. L'année où ses parents en étaient à leur troisième sur les six qui allaient sortir du corps de leur mère. Son père travaillait comme un forcené dans le poisson, cette industrie digne de la petite sirène sur son lit de mort. Il ne voulait pas travailler dans cette mollesse malodorante, mais il n'avait pas le choix. C'est ainsi qu'à dix ans, mon père abandonna ses rêves de sauver les gens afin d'aider sa famille en pleine crise économique. Il rêvait d'être policier mon père, mais au lieu de cela, à l'âge de vingt ans il est devenu concierge dans une école secondaire à Grande-Rivière.

Évidemment, ses rêves comme ceux de biens des gens ne se sont pas produits et au lieu de cela, ils se sont résignés à travailler comme des bons dans des travaux qu'ils ne voulaient pas. Mon pauvre père ne perdait pas espoir. Il se disait qu'un jour le bon Dieu lui donnerait sa chance et qu'ainsi il pourra vivre sa vie comme il le souhaitait. Il espérait pour rien en fait. Depuis le départ des poissons, la ville se ruinait de plus en plus et l'école se distançait de plus en plus à force de coupures gouvernementales... Mon père commençait donc à désespérer lorsque cette crise arriva sur la ville comme une volée de flèches qui s'abattent sur leurs victimes trop faibles pour s'échapper. Les gens de la ville se sentirent comme s'ils étaient des animaux pris en cage avec cette crise qui les confinaient à faire ce qu'ils ne voulaient pas. Même les chiens étaient mieux traités que les humains. C'était à se demander ce qui était le mieux, partir de la ville mais être dans la rue et sans argent ou en finir rapidement de cette vie misérable...

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 14, 2018 ⏰

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