Il a fallu l'abandonner d'ailleurs faute de moyen de l'éclaircir.
Plusieurs femmes prononcèrent en même temps, si vite que leurs voix n'en firent qu'une.
"Oh ! Dites-cela. "
M.bermutier sourit gravement, comme doit sourire un juge d'instruction. Il reprit :
N'allez pas croire, au moins, que j'aie pu, même instant, supposer en cette aventure quelque chose de surhumain.
Je ne crois qu'aux causes normales. Mais si, au lieu d'employer le mot "surnaturel" pour exprimer ce que nous ne connaissons pas, nous nous servions simplement du mot "inexplicable" ,cela vaudrait beaucoup mieux. En tout cas, dans l'affaire que je vais vous dire, ce sont surtout les circonstances préparatoires qui m'ont ému. Enfin, voici les faits :
J'étais alors juge d'instruction à Ajaccio, une petite ville blanche, couchée au bord d'un admirable golfe qu'entourent partout de hautes montagnes.
Ce que j'avais surtout à poursuivre là bas, c'étaient les affaires de vendetta. Il y en a de superbes, de dramatiques au possible, de féroces, d'héroïques. Nous retrouvons la les plus beaux sujets de vengeance qu'on puisse rêver, les haines séculaires, apaisées un moment, jamais éteintes, les ruses abominables, les assassinats devenant des massacres et presque des actions glorieuses. Depuis deux ans, je n'attendais parler que du prix du sang, que de ce terrible préjugé corse qui force a venger toute injure sur la personne qui l'a faite, sur ses descendants et ses proches. J'avais vu égorger des vieillards, des enfants, des cousins, j'avais la tête pleine de ces histoires.