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Namjoon, adossé à la balustrade rouillée de son balcon, seul, tient entre ses doigts un bâton de nicotine. Depuis ce petit espace exigu, on aperçoit seulement la rue adjacente, le bitume recouvert sous les passages incessants des deux-roues archaïques, les rares voitures, l'affluence des gens. Les façades décrépies des immeubles d'en face, envahies par des fils électriques arriérés, supportent de vieux balcons délabrés habillés de linge humide, que pas même un recoin du ciel gris ne saurait éclairer. Perché au dessus de l'agitation de la ville, dans une quiétude hors du temps, Namjoon balaie du regard cette rue engoncée sans vraiment la voir. Les cris des marchands, klaxons agressifs, le brouhaha des passants, rien de ce vacarme ne semble atteindre le jeune homme. Un samedi matin habituel dans ces vieilles ruelles, infestées de rats, sous la chaleur du soleil, et le reflux des odeurs de poisson, friture et choux fermenté. La fumée de sa cigarette se dissipe dans l'atmosphère, emportée par la brise. Ses cheveux pâles virevoltent. L'amertume de son café encore sur le bout des lèvres, Namjoon respire l'air frais, plongé dans ses pensées.
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Las d'attendre Morphée, vide d'ennui, Namjoon se lève, abandonnant le sommeil à son lit défait au beau milieu de cette triste chambre de l'hôtel du centre-ville. À l'extérieur, une hésitation furtive le traverse, il s'éloigne pourtant sur le bitume humide. Le brun rabat la capuche de son sweat en silence et s'élance, livré à la nuit, le long des chaussées. Les premiers rayons du jour sont encore loin quand il se laisse guider, hasardeux, à travers les rues méconnues de cette petite ville portuaire. Déambulant, chancelant entre les gouttes de pluie tièdes, il vagabonde là où les rues le mènent. Découvre au rythme de ses pas une ville froide, austère, et sans un mot, se perd muet dans l'étendue urbaine vide de visage, où nulle part n'apparaît de substance humaine. Désorienté, incertain, le jeune homme arpente ruelles et impasses, marche, marche toujours, marche encore, mais jamais un boulevard, pas même une avenue, rien que des voies sans issues se dérobent sous ses pas. Puis, dans un croisement, une bouche de métro.
Croqué par ces escaliers où sommeillent de vieilles bouteilles d'alcool oubliées par l'affront des années, il lui faut, sur ce quai vide, à nouveau prendre son mal en patience. Patienter, Namjoon a l'impression de ne faire que ça, encore une fois sans savoir ce qu'il attend depuis si longtemps. Encore une fois, il se demande ce qui le retient de mettre fin à cette attente interminable. Et encore une fois, aucune réponse ne lui vient à l'esprit. Bruit strident. Il monte dans la rame de métro. Quelques corps aux regards morts sont avachis sur des sièges de ci-de-là et Namjoon se demande comment il est, le sien, de regard. Est-il aussi vide que les leurs ? Pourtant, il était là, dans cette rame de métro, à chercher quelque chose ailleurs.
Descendu à une station dont il a déjà oublié le nom, il regarde autour de lui, hagard. Quel dénuement le frappe ! Partout, que vanité, et lorsqu'elle cède sa place, tant de pauvreté, sous ses pieds, sous les villes, sous nos vies. Et cette misère, il l'a tellement vue nécroser le monde, qu'aujourd'hui encore, il baisse la tête et dans tout son corps comme la douleur du deuil. Dans son for intérieur, l'angoisse, la honte, et pour lui, une ère de désolation où rêves, avenir, espoirs sonnent tous faux ; où le futur ne s'emploie plus, où l'on vit sans songer à demain.
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Éperdus ㅣ Nαɱɠι
Short StoryDe cette aventure éphémère, NamJoon gardera un souvenir qui le guidera vers un futur meilleur.