Sous les bandages

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   Chuuya rentre tranquillement chez lui. Soudain, un bruit de bouteille brisée s'entend dans une ruelle pas trop loin de sa position. Le mafieux s'y dirige donc, curieux. À la vue d'un certain Dazai, visiblement bourré au whisky assis sur le trottoir tel un SDF, le roux en tombe des nues. Le brun, dans un état second n'a visiblement pas remarqué le nouveau venu et continu de s'empoisonner avec la boisson. Chuuya soupire.

   - Hé le traître ! Tu fous quoi là ?

   - Oh, t-t'es là ! Je me bourre la gueule... Ça... Ça se voit p-pas... Chuuya ?

   - Et pour quelle merveilleuse raison fais-tu ça ?

   - J-j'en ai marre de cette... putain de vie ! Ras le bol de... de cette ba-bataille constante ! À cause de ça... O-Odasaku est mort bordel ! J'veux plus perdre de gens !

   - Je pense que ta petite agence sait bien se défendre. Tu veux que je te rappelle qu'ils sont venus à bout des Lézards noirs ?

   - Y'a pas qu'eux... toi aussi... veux pas qu'tu meurs.

   Alors là ! S'il s'attendait à ça ! Le grand Dazai vient explicitement de lui dire qu'il tient à lui ! Impossible ! Et pourtant délicieusement réel. Il ferme les yeux savourant l'apaisement que de telles paroles lui procurent. S'il aurait su qu'il fallait que cet idiot soit bourré pour lui dire qu'il n'est pas rien à ses yeux il n'aurait pas attendu aussi longtemps. Enfin bon, si Dazai lui a avoué autant de chose cela veut également dire qu'il est à point et donc sans grande défense. Hormis son habileté, s'il se prend des coups de quelques imbéciles nocturnes il y laissera des plumes. Chuuya n'a d'autre choix que de l'emmener chez lui. C'est avec un soupir, que le roux porte le brun pour le lever et le fait s'appuyer contre lui afin d'avancer, laissant là la bouteille. Le plus grand parle tout le long du trajet mais le mafieux ne l'écoute pas, trop concentré à marcher avec un poids mort. Enfin, après un long calvers, le plus petit atteint son appartement.

   Avant même d'ouvrir les yeux, Dazai pense très sincèrement que son idée d'hier est l'une des pires qu'il a prise -si ce n'est la pire- de son existence

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   Avant même d'ouvrir les yeux, Dazai pense très sincèrement que son idée d'hier est l'une des pires qu'il a prise -si ce n'est la pire- de son existence. Un faible gémissement sort de ses lèvres. Et après bien des efforts, il arrive enfin à ouvrir les yeux. Aussitôt, quelques problèmes s'imposent. Le premier est bien évidemment le besoin urgent d'aspirine. Le second est que le plafond qu'il a sous les yeux ne lui appartient pas. Où est-ce qu'il a donc pu aller dans son état ? Comment a-t-il donc pu charmer quelqu'un au point que cette personne l'emmène chez elle ? Le bruit caractéristique d'un verre posé sur une table basse de la même matière que le gobelet le fait sortir de son raisonnement. Il tourne légèrement la tête. Chuuya vient de poser un godet rempli d'eau et une aspirine sur la table. Devant le manque de réaction du détective, le mafieux ne peut s'empêcher de soupirer.

   - Bon tu la prends ton aspirine ? Y a pas de poison ni rien. Toute façon si je voulais te tuer vu ton état ce serait pas bien compliqué.

   Convaincu par ces paroles peu compassionnelles, le brun prend son médicament. Pendant ce temps, Chuuya lui résume brièvement le fait qu'il l'avait trouvé hier dans un bon état et que par pitié il l'avait emmené chez lui pour qu'il dorme sur le canapé.

   - Merci, Chuuya.

   Le brun baisse la tête, peu habitué à remercier le roux depuis qu'il est parti de la mafia.

   - Maintenant, tu vas me dire comment ça se fait que je t'ai trouvé à jouer le SDF dehors.

   Dazai grimace, il n'a pas trop envie d'en parler. Mais voyant le regard que le mafieux lui porte, il voit très bien qu'il ne sortira pas sans explication.

   - Disons que c'est plutôt long et... compliqué.

   - Tu peux y aller j'ai tout mon temps, répond-il en s'asseyant à ses côtés sur le canapé en cuir noir.

   Osamu soupire. Il ne veut pas parler de ça. Ce serait trop douloureux et... gênant. Mais il n'a pas le choix. Alors, avec la plus mauvaise des volontés il commence à s'exprimer.

   - Alors voilà, tu dois bien savoir que c'est la mort d'Odasaku qui m'a fait quitter la mafia ?

   Chuuya oche la tête. Oui, il le sait. Dès la mort de l'adulte Dazai avait disparu soudainement. Pendant plusieurs mois il avait pensé qu'il avait quitté la ville mais il était tout simplement passé dans le camp d'en face.

   - Ce jour là, je lui ai fait une promesse. Celle d'aider les gens pour me rendre la vie un peu plus agréable selon lui. C'est vrai que maintenant que je suis détective, ça va un peu mieux. Mais il me manque quelque chose. Je l'ai cherché pendant ces quatre ans. Finalement, je ne l'ai trouvé qu'il y a quelques mois. Dire que c'était sous mon nez depuis le début m'a plutôt contrarié. Le pire, c'est que je me rends bien compte que je ne pourrais jamais avoir cette chose. Que ce besoin m'a été retiré dès le jour où j'ai fait cette promesse. Mais en même temps, je me dis que si je reviens en arrière là, maintenant, je perdrai très certainement de nombreuses autres choses. Tu sais, je les aime bien les autres. Je ne veux pas les quitter comme je suis parti avec vous. Pendant cette bataille contre la guilde, j'ai constamment eu peur d'avoir fait une erreur de calcul... Je ne sais plus quoi faire. Je ne sais pas quoi choisir. J'ai peur de faire le mauvais choix. J'ai envie de jouer l'égoïste, mais je me dis aussi que ce n'est pas comme ça qu'il faut que je fasse. Enfin bref, rien ne va quoi et j'en ai marre.

   - Déjà si tu me disais ce qu'est cette chose, je pourrai peut-être te donner un autre conseil que celui d'aller te pendre.

   Pendant quelques temps, Dazai pèse le pour et le contre. Il est vrai que s'il lui dit tout cela sera bien plus simple. Mais d'un autre côté, il a peur que le roux le rejette, ou encore se moque de lui, ou pire, se serve de lui.

   - Chuuya, promets moi juste d'être sincère.

   - Hein ? Euh... d'accord mais pourqu...

   Les lèvres d'Osamu se posent doucement sur les siennes. Le mafieux ferme les yeux pour savourer cet instant et se laisse lentement emporter.

   - Chuuya, je t'aime. Et comme un imbécile, je ne l'ai remarqué il n'y a pas longtemps. Je comprendrai que tu veuilles me...

    - Oh ferme la !

   Et le roux va à son tour à la rencontre des lèvres de Dazai. Dans la poitrine du détective, sous tous ces bandages, une douce chaleur l'envahit. Ce ne sera certainement pas facile, mais peut-être qu'avec son travail et accompagné de Chuuya, il pourrait trouver une raison de stopper ses tentatives de suicide. Peut être, qu'il pourrait enfin vivre. En tout cas, il l'espère.

Sous les bandagesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant