PROLOGUE

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« on n'était que des gamins de la même foutue génération, marginaux et noyés, cachant un squelette dans le placard. »


Quelque chose s'était brisé cette nuit là, pour toujours. La mort qu'on avait longtemps ignoré, défié, reprit violemment le dessus. Pour toujours, ce fut tellement logique, le cœur ne battait plus lorsque son corps frêle toucha le sol recouvert légèrement de neige. Son sang s'y mélangea doucement, on s'en souvenait bien, de cette épaisse couverture rouge et blanche. 

On se souvenait aussi tous d'avoir été là, jusqu'au bout, cachés parmi la foule de gens en sueur, une horrible musique qui assassinait nos tympans, cachés entre les vapeurs et l'odeur de l'alcool, influencés par la fumée d'une clope. On se souvenait surtout d'avoir été là et de n'avoir rien fait, rien compris, rien vu, rien entendu. Nous étions beaux, nous étions jeunes et imprudents. Toi aussi tu penses que le temps nous sauvera ?

Il paraît qu'on ne peut comprendre que si on l'a vécu, alors pourquoi la rousse était-t-elle revenue, pourquoi espérait-elle autant. Ash a raison, au fond il ne reste qu'un trou dans le cœur, celui qui prend la place de l'être cher, une balle jamais ressortie qui détruit ce qu'il peut rester de ce misérable et faux bonheur, provoquant ce néant parsemé de colère et de souffrance. 

Mais Ash sait bien le cacher ce trou, il le recouvre et le recouvre de neige et de sang, toujours un peu plus. Nous étions maintenant plus ou moins sept, à bannir ce sentiment qui l'avait tué, tu sais celui qu'il faut fuir comme la peste. Pour toujours bien sûr, les questions s'accumulaient dans nos têtes. Ce chiffre a-t-il une réel importance, une réel signification ? Sommes nous de vrais amis, et puis bordel ça veut dire quoi être amis. Que s'est-il passé, cette maudite nuit sur le toit du lycée ? Nous étions tous là, liés depuis si longtemps et à la fois si loin si différents. Il y a eu Nora, le temps d'une année, qui nous a regardé sombrer, parmi les illusions de la drogue, ce foutu bonheur, les flocons de neige, la maladie. Dans les larmes, la beauté des filles et les jeux qui vont avec, les grattements d'guitare et les mots qu'on a crié dessus. On s'est simplement traîné jusqu'à la tombe les uns des autres.

Les tatouages d'Ashley, les dessins d'Aya, la maladie des jumeaux,
la guitare de Raphaëll, le secret d'Aiji et la cruauté de Livia, les larmes de Naomi, la conscience de Nathen, la psy et l'amour de Camille.

Écorchés VifsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant