CHAPITRE 1

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NARCOSE : ivresse des profondeurs

Le feu devint rouge et la rue se faisait de plus en plus vide. En tournant la tête vers la droite, la vue de cette maison le frappa. Une bonne claque, ça faisait longtemps. Avec la nuit totalement tombée, le brouillard et son casque sur la tête, elle paraissait si sombre et si lointaine. Non, elle était juste au bout de la rue et elle était toujours de la même couleur. Il ne se trompait pas. Dans ses souvenirs, il n'y avait pénétré qu'une seule fois avec ses amis, pour un anniversaire. Cette maison désormais vide, vide de toute présence et de tout sentiment, qu'ils avaient presque oublié, jusqu'à cet instant. Alors plutôt que de continuer tout droit pour rentrer chez lui comme il l'avait prévu, Raphaëll se dirigea vers la demeure, car mis à part la couleur si particulière et symbolique, les lumières étaient allumées. Les lumières étaient allumées, celles du premier étage. Il ne réfléchit même plus et arrêta sa moto dans une ruelle en face, descendit rapidement de celle-ci en enlevant maladroitement son casque. Sur le trottoir d'où il pouvait voir une partie de la façade, il la contempla pendant de longues minutes, comme pétrifié. Les vingt-et-une heures allaient bientôt sonner et le jeune homme se posa tant de questions. Elle n'avait jamais été vendue ni louée, personne n'y avait mis les pieds depuis et ça ne pouvait pas être un simple cambriolage, puisqu'il n'y avait quasiment plus de meubles. Raphaëll dégaina vite son téléphone.


  « Décroche putain.. grogna-t-il, nerveux, il ne pouvait pas garder ça pour lui. Ash ! Ash c'est moi.. »


A l'autre bout de la ville, Ash était assis sur le rebord de la fenêtre de sa chambre, enfin rentré chez ses parents. Il entamait une deuxième cigarette et ses yeux bleus regardaient à travers la vitre. Il essayait de ne pas trop penser au lendemain, de profiter de cette dernière soirée, jusqu'à ce qu'il entende la sonnerie de son portable.  


 « Allô.. Raph' ?! Qu'est ce qui t'arrive ? Crie pas comme ça ! répondit-il. 

J'espère que t'es bien assis là...

Hein, pourquoi ? ajouta Ash, ne comprenant absolument rien. 

— .. elle est revenue, révéla Raphaëll, un peu inquiet. De l'autre côté, son ami fut paralysé. Je t'assure, il y a de la lumière chez elle, elle est là.. »


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Lundi 04 Septembre - 08:27


ASHLEY

Welcome to the Jungle des Gun's résonna dans ma chambre et m'obligea à émerger. La nuit avait une fois de plus été courte, outre ma tardive et surprenante conversation avec Raphaëll, les insomnies furent leur retour. Les cigarettes s'enchaînèrent ainsi que toutes ces choses dans ma tête. J'étais trop agité par cette rentrée, par cette nouvelle année qui commençait dans moins d'deux heures, la dernière du lycée. Qu'est ce qui m'inquiétait le plus au fond ? Savoir que peut être dans un an, la Tribu n'existera plus, que notre adolescence allait prendre fin, de reprendre un rythme de vie sans lui. Ou simplement ce que m'avait annoncé Raphaëll alors que j'avais enterré cette idée. Ça ne pouvait pas être elle de toute façon, les morts ne reviennent pas.


Je filai à la douche, sans arrêter la chanson sur mon portable, ayant besoin de me réveiller un peu plus. J'avais encore l'envie d'oublier. Je n'étais pas en manque, pas encore, je me disais simplement que la prochaine dose ne tarderai pas à arriver. Je n'avais rien pris depuis plus d'une semaine, peut être deux. Je n'avais pas le temps de me sentir fier ni de continuer sur cette lancée, je ne pourrais pas lutter davantage. Une fois habillé, sans avoir fait un quelconque effort vestimentaire uniquement pour la rentrée, je descendis en attrapant un paquet de clopes au passage.Ma mère préparait mon petit-déjeuner une fois de plus, comme un schéma qui n'avait cessé depuis mes six ans, sachant très bien que c'était trop et que je n'en mangerai même pas la moitié. Elle avait encore des cernes et une cigarette reposait dans un cendrier près d'elle. L'autre était assis à la petite table ronde contre le mur, son verre de la veille était toujours là, avec son fameux fond de whisky sec et dégueulasse. Je fus étonné de le croiser, lui qui partait à chaque fois avant tout le monde. A qui je ressemble le plus ? Maman dit que j'ai ses yeux.

Écorchés VifsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant