Queue de poisson

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Dos de cabillaud poêlé sur fondue de fenouil, Sauce chorizo

Rien qu’à la lecture du menu, j’avais des haut-le-cœur Comment peut-on ingurgiter ça ?

Cet espèce de bonhomme boudiné dans son costume à bas prix me regardait en souriant.

- Moi non plus je n’aime pas le poisson ! me dit le gars en bombant son estomac.

Je le dévisageais sans répondre. Quel abruti ! Je l’aime moi le poisson. Mais pas comme il le croit.

En tout cas, j’avais discuté une petite heure avec ce Marcel, et après avoir écouté l’histoire que je venais de lui inventer, il m’avait proposé un boulot de plonge dans son restaurant en échange d’une chambre de bonne.

Un Buffalo Grill ! C’était pas le restaurant de l’année, mais au moins, ils ne servaient pas de poisson !

Et puis, tous ces clients, qui ont toujours les yeux plus gros que le ventre et qui commandent des plats énormes qu’ils ne pourront pas terminer, dans ma situation actuelle, ça m’arrangeait bien.

Le patron de l’établissement était un nuisible. Il avait des vues sur moi, c’était sûr. Et ça me donnait la nausée. Je le sentais rien qu’à l’odeur qu’il dégageait quand il me parlait. C’étaient ses hormones qui le travaillaient. Quand il me croisait, il s’arrangeait pour m’effleurer ou me toucher le bras. Je serrais les dents et ne disais rien uniquement parce que s’il me virait de ce taf, plus de repas et plus de chambre. Je le suspectais pourtant d’attendre quelque chose en retour que je ne n’allais pas être en mesure de lui donner.

Pour sa survie.

Apres toutes ces disparitions dans la cité U, j’avais dû quitter ma chambre. La police surveillait toutes les allées-venues. Je n’avais donc nulle part où aller. Alors, autant ignorer les regards appuyés de ce type sur moi. Il était en quelque sorte mon sauveur. Je devais faire avec.

*** *** ***

Le va-et-vient incessant des policiers créait  une tension permanente dans la cité U de Saintes. Quatre jeunes hommes avaient disparus en quatre semaines. Rien que cela avait eu pour effet de changer le campus en caserne de gendarmerie.

Une disparition, ça peut arriver, deux ce n’est déjà pas banal, trois ça devient inquiétant, mais quatre et c’est la porte ouverte à toutes les hypothèses.

La fréquence des disparitions, c’était ça que la police ne s’expliquait pas.

Une disparition par semaine, c’était beaucoup. Et puis que des garçons. Ça aussi interloquait l’équipe chargée de l’affaire. Ils avaient d’ailleurs dépêché un profiler, puisque le modus-opérandi correspondait à celui d’un tueur en série. Sauf que pas de corps, donc pas de signature. La police patinait. Le préfet devenait fou. La population universitaire s’inquiétait.

Les journaux s’étaient saisi de l’affaire et quand ils ne savaient pas, ils brodaient avec des hypothétiques scénarii qui épouvantaient une population aux aguets.

Et puis, pas de corps signifiait aussi pas de meurtre ! Pourtant, la police enquêtait toujours.                                                                                                                                                           

Desseins préméditésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant