Je fermais les yeux sentant mon sang s’écouler lentement par la blessure. J’avais déjà vu quel effet ce genre de blessure avait sur un être humain, et je n’avais aucun doute de ma blessure. Mon sang malgré tout était humain et il s’écoulait à la même rapidité que si j’avais été humaine. Je pouvais presque voir le sang rouge couler, épais, et foncé comme celui de mes victimes. Je m’efforçais de restée consciente. Car je savais que si je relâchais ma volonté, je m’effondrerais comme une simple mortelle.
« Ce soir là, mon frère était venu jusque dans mon bureau. Je n’avais pas l’habitude de le voir si tard encore debout et encore moins dans mon bureau. Nous avions grandit ensemble et le peu d’années qui nous séparaient ne faisaient que renforcer la complicité qu’il y avait alors entre nous. Mais en grandissant, j’étais appelé à devenir le maître de la plantation. Ce n’était pas quelque chose de prévu. Mon père nous quitta prématurément et je fut propulsé maître de centaines d’esclaves. Il est certain que nous aurions été plus proche, mon frère et moi, si la mort n’était pas venu frapper notre père. Mais mon frère avait une autre passion que celle de diriger un domaine si vaste qu’était le nôtre alors. Il pensait être investit de Dieu. Tu ne peux connaître ça, tu as été faite vampire si tôt. Mais à l’époque, notre famille était croyante et très pratiquante. Ma mère demandait toujours la faveur de Dieu pour prendre une décision. Je n’étais pas ainsi. Je connaissais le nom de chaque saint et j’avais fait édifier une chapelle lorsque mon frère me l’avait demandé, mais je ne priais presque jamais. J’imaginais que le fait que mon frère soit si attaché à Dieu me permettait d’en être plus détaché. Mais cela n’a plus guère d’importance. » disais Louis.
Je sentais la douleur poindre à mon cou. Je tentais de racler ma gorge pour vérifier si mes cordes vocales étaient touchées, mais déjà j’étais emporté par mes souvenirs du passé. La voix de Louis résonnait à mes oreilles comme s’il était là, à mes côtés. Je fermais à nouveau les yeux me refusant à regarder un instant de plus le sourire sadique de Nicolas qui curieusement s’était écarté. Il interrompait sa tâche et je me mourrais…
« Mon bureau était vaste. Comme tu le sais, j’habitais alors une maison coloniale comme il en reste encore dans les plantations. Mon bureau se devait d’être impressionnant, pour les esclaves, pour ma mère qui aimait se vanter de notre situation ou encore pour nos visiteurs, si rares étaient-ils. J’avais demandé à meublé mon bureau de façon intime et j’aimais ce bureau. Mais le lendemain, je savais que je n’y remettrais plus jamais les pieds. Oh, ma chérie. Quelle chance tu as de ne pas te souvenir de la souffrance que peut éprouver un humain ! » continuais-t-il.
Louis avait tord, vampire, je pensais souffrir encore plus qu’un humain. Je n’étais pas une poupée malgré mon visage de porcelaine et mes boucles d’or. J’étais un monstre déguisé en poupée. Mais ce n’était pas ma monstruosité qui me terrifiait et provoquait en moi des douleurs insupportables. C’était le fait de savoir que jamais je ne pourrais connaître le regard que pose un homme sur une femme séduisante. A jamais je resterais une enfant au visage de poupée. J’étais à tout point de vue dépendante de mes deux pères et je leur en voulais de ne pas pouvoir grandir.
« Mon frère était venu pour m’annoncer solennellement que Dieu lui avait parlé, et qu’il fallait que je vende tout afin de donner l’argent à mon frère pour qu’il édifie une Eglise plus proche de dieu. Je ne pouvais supporter qu’il décide de tout cela et encore moins que Dieu ait pu lui parler. Non pas que je souffrais que Dieu se soit adressé à lui et non à moi, mais que le Dieu qui a créé la terre ait parler à mon frère. La chose se résumait à que mon frère soit un saint ou un fou. Mais je savais d’or et déjà que mon cœur avait choisit et qu’il était un saint. Cependant, mon orgueil me poussa à lui répondre ‘Non mon frère. Je ne vendrais pas ma plantation pour que tu puisses offrir mon argent à ce Dieu qui nous a enlevé notre père !’ Ma colère montait en moi et s’exprimait sur mon faciès. Mon frère commença à me traiter d’hypocrite et de vil menteur, mais mon point de vue était tranché et n’admettait pas de réponse. Il sortit alors de mon bureau dans une colère des plus noire et pas plus de quelques instants plus tard, j’entendis son cri, horrible, plein de désespoir et de surprise. Oh ! Claudia, c’était comme si c’était moi qui l’avais poussé du haut de cette fenêtre française ! »
Louis avait souffert de la mort de son frère. Il était l’aîné et devait le protéger, au lieu de ça il l’avait poussé à la mort et s’en voulait. C’était à cause de cet événement qu’il était devenu vampire et sans qu’il eut besoin de me le dire, je savais que c’était Lestat qui en bon chevalier lui avait proposé de lui ôter le poids de la douleur de vivre. Louis n’avait fait que remplacer sa croix par une autre, sa souffrance par une autre.
« Je me souviens comme si c’était hier des traits de souffrance qu’exprimait son visage(en parlant de son frère.) J’ai vu beaucoup d’hommes et de femmes mourir depuis que je suis vampire et même auparavant, mais jamais je ne me suis sentit aussi concerner que lorsque c’était la mort de mon frère. Il y avait une part de responsabilité en moi et chaque visage de mon entourage me le rappelait. Tous m’accusaient de sa mort. Tous m’avaient entendus lui répondre non d’une façon très vive. Mais aucun n’osaient m’accuser ouvertement. Il avait la nuque brisé et sa tête formait un angle étrange avec le reste de son corps. Je savais que c’était malsain de rester ici à l’observer mais je le fis. Et plus je regardais ce visage plus j’y lisais ma propre culpabilité. »
Etait-ce cela que ressentait Lestat alors que le sang s’épanouissait hors de ma gorge ? Je ne saurais le dire car s’il m’était permis de lire dans les pensées des humains, il m’était impossible de lire dans les pensées de Lestat. Je ne pouvais bouger, probablement à cause de tout ce sang répandu sur le sol. Je ne pouvais m’empêcher de penser que j’allais mourir et que rien n’y changerait. Lestat était recroquevillé sur lui-même, le visage contre le sol en pierre de taille, il était vert et paraissait sur le point de mourir lui aussi. Mais je connaissais Lestat. Il ne mourrait pas si humblement et si facilement. S’il fallait qu’il meure, ce serait par le feu divin et punisseur s’il existait un Dieu.
Lestat remua. J’en fus étonné et mes yeux s’écarquillèrent ce qui provoqua en moi une douleur diffuse. Chaque mouvement demandait du sang démoniaque et je ne pouvais m’en offrir. Lestat essaya de me regarder mais son corps semblait incapable de tout mouvement. Il eut l’air coupable et ce fut bien la première fois que je vis ce regard dans ses yeux gris perlés.
« Claudia, pardonne-moi. » murmura-t-il.
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Claudia Chronicles
FanfictionMon regard était imprégné de colère froide et de dégoût. Lestat continuait à rire avec sa voix partant des les aigus un bruit insupportable pour toute oreille humaine. Je refermais la porte doucement sur cette triste vision. Il me semblait que j'ava...