Prologue

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Juillet

Ne pouvant pas aller plus loin, j'arrête ma voiture face à l'océan. Sur la côte Pacifique, très tôt ce matin, les averses sont violentes et les températures faibles. J'ai toujours aimé l'Oregon, malgré le climat océanique et tout ce qu'il s'est passé dans ma vie, quelques heures auparavant.

J'ai lu quelque part que le nom Oregon proviendrait du mot français « ouragan ».

Eh bien c'est exactement ce que je ressens : je suis coincée dans un putain d'ouragan provoqué par un enfoiré qui passe son temps à me torturer l'esprit.

Ma mère m'a toujours appris à me méfier des hommes. Elle est si séduisante, encore aujourd'hui, qu'elle en a vu passer des mauvais et des pires, jusqu'à ce qu'elle se marie avec mon père. Elle m'a dit de ne pas m'approcher des délinquants, des trafiquants, des coureurs de jupon, des addicts, des violents, et des pervers en tout genre.

On avait l'habitude de regarder le journal du soir après le dîner et quand il diffusait une information à propos d'un criminel quelconque, ma mère en profitait pour me mettre en garde contre ces types.

Depuis ma Quinceañera, ce passage à l'âge adulte pour les jeunes filles latinas, mes parents m'autorisent à sortir avec mes amis le soir, à rentrer à minuit d'abord, puis une heure, puis deux heures du matin et enfin à vivre seule pour mes années d'université - ou plutôt en colocation avec mon meilleur ami.

Pour ne jamais trahir la confiance de mes parents, j'ai respecté les couvres-feu et j'ai travaillé dur pour avoir un bon dossier et entrer dans une université. Après tous les sacrifices qu'ils ont fait, je ne peux pas me permettre de tout gâcher en fréquentant des loubards. Alors naturellement, je désire un mec sympa et respectueux en qui je peux avoir confiance.

D'ailleurs, je ne suis sortie avec personne depuis la première. Mon premier et dernier petit copain était tout comme ma mère l'espérait : gentil, calme, propre, aisé, bosseur, attentionné... Peut-être même trop attentionné. C'était un putain de canard.

Sous la surface, il était fragile, collant, plaignard, fastidieux et beaucoup trop sentimental. En bref, clairement pas mon type de mec. Alors non, je ne cours toujours pas derrière les junkies et chefs de cartel pour avoir une vie de débauche excitante, mais je ne veux pas non plus d'un mec qui mène la vie d'une personne de quarante ans quand on en n'a que seize.

Aujourd'hui j'en ai dix-neuf et je suis rentrée à la fac. On dit que ce sont nos plus belles années, donc je compte bien en profiter tant que l'on est encore beau et jeune.
Évidemment, pas en participant à des raves, des orgies et autres soirées douteuses qui vous obligent à sécher les cours du lendemain parce que vous n'avez pas décuvé de la veille ou de l'avant-veille.
Non, je compte profiter de ces années pour m'assurer un avenir et m'amuser avec mes amis - et peut-être sortir avec quelques garçons.

Je suis bien consciente d'idéaliser mon avenir proche, mais je ne veux pas les voir comme un fardeau.
Seulement, j'étais à des années lumières de me douter qu'à la fac, je pouvais tomber sur un gars comme lui. Un gars comme Wesley « Wes » Whitefox.

Dieu, que ce mec est beau. Il est grand et sa musculature ressemble à celle des gars dans les magazines - sauf que la sienne n'aurait même pas besoin de Photoshop - et ses nombreux tatouages sur ses bras et son dos le rendent encore plus attirant.

Son visage aux traits légèrement enfantins contraste avec son corps d'athlète. Mais ça ne rend pas bizarre, au contraire, cette harmonie fait toute sa beauté. Sa mâchoire sculptée, sa peau laiteuse maculée de petites taches de rousseur brunes, son nez fin et son regard noisette qui semble si inoffensif. Et j'aime la couleur auburn de ses cheveux qui rappellent les feuilles d'automne, coiffés-décoiffés en épis. Dès les premiers instants, j'avais envie de passer mes mains dedans.

Seulement, Wesley Whitefox ressemble peut-être à un mannequin Hollister mais les apparences peuvent être trompeuses, alors notre personnalité se charge de révéler qui nous sommes réellement.

Ce mec est aussi détestable et il ne le conteste pas. Il a le profil typique du criminel dont ma mère m'aurait défendu d'approcher. Il est arrogant, vicieux, nerveux et malsain. C'est un tel gâchis... Il passe ses soirées à boire, à fumer et à flirter.
Il n'est pas plus calme la journée. Il pratique le MMA, le sport de combat le plus violent qui existe. Sa vie se résume à taper des mecs le jour et à se taper des filles la nuit.

Je m'en serais éloignée comme convenu avec ma mère, si à son tour, il ne s'était pas approché de moi. Ça n'avait rien à voir avec la drague facile avec des filles qui ont un crush sur lui. C'est parce que je le fuyais qu'il me suivait. Mais pas comme mon canard d'ex-copain. C'était comme s'il m'avait enfermée dans une cage et que j'y avais développé le syndrome de Stockholm. C'était à la fois effrayant et envoûtant. C'est alors que j'ai compris que je ne voulais pas d'un gangster, ni d'un canard. Je voulais un Wesley Whitefox. Un gars qui me ferait découvrir les nouvelles saveurs de la vie, auxquelles je n'aurais jamais osé goûté toute seule. J'ai adoré ça.

J'ai adoré ressentir tout ce que j'ai ressenti pour lui, même quand ça me faisait mal. Je n'ai pas compris d'où ça venait, ni où ça me mènerait, avant que je ne me retrouve face à l'océan Pacifique, échouée sur cette plage de l'Oregon au petit matin, à une heure de cette ville, à une heure de lui. Car hier a été le mal de trop.

Alors je me dis, en sentant mes os se glacer sous mes vêtements trempés par la pluie, que j'aurais dû écouter maman. Je dois m'en éloigner le plus possible, m'en protéger à tout prix et même si c'est encore plus douloureux que tout ce qu'il m'a fait subir, ça ira bien mieux à l'avenir sans lui.

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Sunset RoadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant