Chapitre 22

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Étrangement, j'ai toujours aimé avoir la pression avant des tournois. J'aime ressentir ce frisson froid qui fait trembler mon corps avant d'entrer en scène, et cette sensation d'être sous le feu des projecteurs, devant des dizaines de caméras et une foule en délire.

Ce dimanche, en fin d'après-midi, je me retrouve seul dans les vestiaires d'un immense hangar aménagé en complexe sportif à Salem.
Je me prépare physiquement, en m'échauffant à la salle de muscu, puis en prenant une douche brûlante pour garder tous mes muscles chauds, et enfin j'enchaîne sur la préparation mentale.
J'ai reçu une éducation catholique bien que j'estime que Dieu et ses beaux discours sur l'amour et le pardon ne sont qu'une grosse farce.

Pourtant, j'ai toujours autour du cou le petit crucifix en argent de ma mère, que j'ai enfilé à une chaînette du même métal.
Étant donné que je dois le retirer chaque fois que j'entre dans l'octogone, je le tiens toujours un instant et me mets à prier silencieusement quelque chose. Une force qui sommeille en moi pour qu'elle se réveille lorsque j'entrerai dans la cage.

J'échauffe ensuite mes articulations une par une tout en me reconcentrant. Je dois faire le vide de tout : ici, il n'y a pas de cours. Pas de pote, ni de meuf. Pas de famille. Pas d'ennemi. Aucun problème. Et surtout, ici il n'y a pas de queue-de-cheval bouclée et des yeux verts immenses.

Je ne suis que MMA. Chaque cellule de mon corps, chaque neurone, chaque pensée et chaque mouvement n'ont pour but que le free-fight et ceci, peu importe qui est mon adversaire.

J'entends une sonnerie retentir m'indiquant qu'il est l'heure d'y aller.
Je prends une profonde inspiration qui me plonge directement dans les transes mais me calme en même temps. Je ne dois montrer aucune émotion. Ni de colère, ni d'excitation, et surtout pas de peur.

Je longe le couloir sombre et les acclamations du public me paraissent lointains. Ce n'est que le Face Off du tournoi, mais tout le monde semble agité. On se met quasiment à poils pour prendre nos poids et mesures, afin de savoir dans quelle catégorie nous jouons. Lorsque nous rencontrons notre adversaire pour le prochain tournoi et les médias, sponsors et spectateurs ont l'occasion de prendre des clichés - mémorables si possible. Avant chaque émission à la carte, la chaîne locale League Of Ultimate Fighters essaie de construire une intrigue entre les opposants afin que davantage de personnes trouvent cette rivalité intéressante. Ainsi, ils font exploser leur audience et s'en mettent plein les poches.

Certains joueurs se contentent de faire leur boulot durant le Face Off. Ils passent sur la balance, prennent des photos face à leur rival et se tirent.
D'autres jouent le jeu et s'amusent à déclencher des bagarres en lançant une ou deux insultes qui font monter la tension et chauffer l'assistance. D'autres encore profitent de l'occasion pour se créer une réputation singulière, comme pour Devin « Devil » Willys qui crée toujours une mise-en-scène comique. Il était déjà arrivé dans une tenu de go-go dancer, il avait offert des fleurs à un de ses adversaires, il avait remplit son boxer de chaussettes pour donner l'impression que son paquet était énorme face aux caméras. Le meilleur moment est quand il a embrassé son adversaire lors d'une photo en face à face. Ce dernier ressemblait à une ado enragée qui venait de se faire déflorer, c'était hilarant.

D'ailleurs, je passe à la pesée après Devil. Je n'ai pas pu voir ce qu'il vient de faire à son rival mais j'entends des menaces telles que « Je vais le tuer ! » ou « Je vais l'enculer, ce fils de pute ! ».

Quand on se croise à la sortie du couloir, Devil s'esclaffe en me voyant. Il s'approche de moi, claque dans la main que je lui tends et me mets une tape brutale dans le dos avec un coup d'épaule tout en me disant :

- Mec, t'es un putain de génie ! Ma nouvelle idole !

Je ne capte pas tout de suite ce qu'il entend par là et je n'ai pas le temps de lui demander pourquoi, quand qu'il s'en va, toujours en se tordant de rire.

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