C'était le soir. Il faisait nuit. Du haut du toit d'un immeuble, j'admirais les lumières : celles dans le ciel, celles des voitures plus bas, des lampadaires, celles dans les foyers qui scintillaient au travers des fenêtres.
J'avais les cheveux dans le vent. C'était bien. Mes jambes pendaient au rebord et gesticulaient dans un balancement enfantin. Mes pieds heurtaient parfois les murs, alors je m'excusais. Je ne savais pas trop pourquoi.
Le nez en l'air, j'expérimentais le vide, l'immensément grand, l'infini. J'écoutais le bruit des moteurs qui vrombissaient encore à cette heure de la nuit, les quelques bavardages étouffés par des rires miséreux de ceux qui rentraient chez eux complètement ivres, les chats errants qui se bagarraient pour protéger leur territoire, ou encore, les cris des bébés qui pleuraient à en assourdir leurs parents qui ne demandaient qu'à aller se coucher.
Je m'allongeai, je m'étalai de tout mon long, les yeux fermés. Je les rouvris peu après et découvris alors le ciel noir tapis de lumières. Je me noyais avec émerveillement dans cet océan d'astres célestes. Je me laissai bercer par la douce brise du printemps, et enfin, je me réveillai dans mon lit, emmitouflé dans mes draps. Tout cela n'avait été qu'un rêve. Le même que tous les autres soirs.
La nuit suivante ne fit pas exception. Allongé sur le toit, les jambes ballantes, le regard rivé vers les étoiles, écoutant ces mêmes voitures, ces mêmes ivrognes, ces mêmes hurlements félins, ces mêmes pleurs de nourrissons insatisfaits, et ces mêmes plaintes de parents trop fatigués. Tout semblait se répéter. Mais ce soir, se pencha au-dessus de moi, un visage.
— Bonsoir, Jimin.
Je me redressai aussitôt. Je n'étais plus seul. Ce visage amusant, caractérisé par deux grandes dents qui dépassaient de son sourire, mangeant la moitié de ses lèvres fines, était attaché à un corps fin, longiligne, de grandes mains, de larges épaules, une chevelure courte et brune et des yeux noirs.
Il devait avoir environ mon âge, mais il m'en fallut si peu pour me déstabiliser. Il connaissait mon nom. Je ne l'avais pourtant jamais vu. Peut-être n'était-il que le fruit de mon imagination. Cela allait de soi. Nous partagions mon rêve. Et à bien y réfléchir, il devait sans doute tout connaître de moi, ou l'essentiel, tout du moins.
— Cette place est-elle prise ? demanda-t-il.
— Non, répondis-je ahuri.
Il vint s'asseoir à côté de moi. Ses yeux se plongèrent dans le lointain. Lui aussi était venu regarder les étoiles.
— Vous venez souvent par ici ?
— Oui, je... Je viens tous les soirs. Ou presque.
— Presque ? Si j'avais connu la splendeur de cet endroit plus tôt, alors j'y serais retourné tous les soirs !
— C'est la première fois que vous venez ? hoquetai-je.
— C'est exact !
— C'est donc pour cela que je ne vous avais jamais croisé auparavant, pensai-je tout haut.
— C'est beau ici. Et la compagnie y est fort agréable.
Il m'accorda l'un de ses sourires dont il semblait être le seul à en détenir le secret.
— Quel est votre nom ?