Chapitre 3

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La pièce était remplie de parents venus supporter leurs enfants. Les six jurés étaient assis devant la scène, imposant leur présence d'entrée de jeu. Les jambes flageolantes, je montai les trois marches jusqu'à la scène et m'approchai de l'instrument. C'était un piano à queue majestueux, tel celui que je rêvais de posséder. Lorsque j'arrivais près de la banquette, je me retournai vers la salle et saluai sobrement. Puis je m'assis. Tranquillement, tels les plus grands pianistes, je réglais la banquette à mon niveau afin d'être le plus confortablement assise. Parce que même si je pouvais reposer mon séant sur un siège contrairement à d'autres musiciens, la position était très importante pour bien jouer.
Sans faire de bruit, je jaugeai la souplesse des pédales afin d'habituer mes pieds, puis suspendai mes doigts au-dessus du clavier.

Le glas avait sonné. Le stress s'était envolé. Et la première note fut jouée. La mélodie résonnait dans la grande salle au haut plafond mais je n'y faisais pas attention. Le calme régnait parmi le public qui m'écoutait mais j'étais trop concentrée. La première page arrivait à sa fin. Soudain, ma main gauche dérapa alors que ma main droite poursuivait sa mélodie. Je décidai de conclure d'une seule main les deux dernières mesures avant la prochaine partie. Je ne me laissais pas abattre, il fallait que je continue sans m'arrêter. Enfin, la première page fut terminée et j'enchaînais avec la deuxième, les deux mains ensemble. Même mélodie mais avec plus de notes. Pourtant, tout fonctionnait correctement. Mes doigts avaient pris les choses en main et ma tête ne faisait que dérouler la partition pour ceux-ci. Lorsque la troisième partie commença, beaucoup plus douce et calme, je me surpris à sentir mes yeux s'humidifier. C'était vraiment une oeuvre qui me plaisait. Cependant, le répit fut de courte durée car la quatrième page arrivait. Toutes ces triples croches me terrifiaient et je sentais le stress me gagner à nouveau. Or, je n'en voulais pas. Dans une tentative inespérée, j'envoyai toute cette adrénaline inutile dans mon pied gauche et par bonheur, je pus franchir la page sans un accroc. Plus qu'une et j'aurai terminé ! La plus physique par ses accords, mais la plus puissante également par ses triples forte, je terminai en beauté sur un hommage à l'Ave Maria.

Enfin ! Je me levai, soulagée d'avoir pu tenir jusqu'au bout et saluai sous une salve d'applaudissements.

Le Concours (Les Nouvelles De La Pianiste)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant