Doucement, j'ouvris les yeux. La clarté de la pièce me rappelle à l'ordre. On m'a sauvé. Je ne sais ni quand ni comment mais on m'a sauvé. Je n'en reviens pas d'être revenue à Paris. La pluie pleure sur la Dame de fer. Les nuages bas et grisés ma rappelle combien cette ville peut être triste comme magnifique. De ma chambre, j'aperçois un bout de la Tour Eiffel, que je pourrais contempler pendant des heures et des journées entières. Depuis quinze ans, je rêve de la revoir. De pouvoir y retourner. Retourner au sommet, sûrement essoufflée car j'aurais pris les escaliers pour admirer la vue à chaque marche, et surplomber toute la ville. Je me souviens de la première fois où j'y suis allée. Je venais d'avoir cinq ans et j'ai crié au monde entier que j'étais la reine du monde. Mon père m'avait alors élevée en riant tandis que ma mère avait immortalisé le moment avec son Polaroïd. Un sourire béat se dessine sur mon visage. Je me souviens que je venais goûter sur le Champ-de-Mars, face à ce gigantesque monument, avec ma grand-mère. Puis nous allons dévaliser les boutiques des Champs-Elysées. Paris est à un recueil de souvenirs pour moi. Y revenir me fait tout oublier. Ou presque...
« Mademoiselle Lefebvre. Quel plaisir de vous revoir parmi nous » rentre un homme en blouse
Il sort ses lunettes de sa poche et lit mon dossier. Dans son jargon de médecin, il m'explique que j'ai fais une énorme chute de tension suite au stress accumulé à la fatigue et que je me suis évanouie. Plus de peur que de mal comme il le dit si bien ! Il m'explique brièvement comment je suis revenue à Paris lorsque deux hommes rentrent. L'angoisse me prend. Je ressers aussitôt le drap sur moi surtout quand je croise un regard vert bleuté perçant. Le médecin attrape un masque, qui me plaque sur le visage.
« Respirez. Tranquillement Mademoiselle » sourit l'inconnu, plus âgé
Comme une grande fille, je tiens le masque alors que le médecin prend la parole, mon dossier sous le coude.
« Je vous présente le commissaire Fabre et le lieutenant Feldmann. » précise le médecin en me les désignant
« Nous sommes chargés de l'enquête » ajoute le commissaire
Je repose le masque à portée de main et replonge dans ce regard si déstabilisant. Vous devez sûrement vous dire "c'est la première fois qu'elle voit un homme ou quoi ?". Dans un premier temps, oui. A part mon bourreau, je n'ai jamais fréquenté quelqu'un. Personne ne m'a jamais touchée ou embrassée alors se retrouver avec trois hommes dans la même pièce, c'est beaucoup pour une première fois. Et cet homme n'a pas l'air d'être n'importe quel homme. Il dégage une prestance inouïe. Face à lui, je me dis que l'expression « la huitième merveille du monde » prend tout son sens. Ses cheveux bruns sont assez longs pour qu'on veuille passer la main dedans. J'ai l'impression qu'avec ses yeux, il arrive à lire en moi en un rien de temps. Ses muscles saillants sont contractés par sa posture. Ses bras, cachés sous son pull en laine noire, doivent sûrement être rassurant et tellement protecteurs que je me jetterais bien dedans.
« Raphaël et moi allons retrouver cette ordure Pénélope mais nous allons vraiment avoir besoin de votre aide » me rassure le commissaire en me ramenant sur Terre
« Pour ça, il faudrait peut-être qu'elle parle » soupire le lieutenant
Il est très beau mais, cela dit, il a l'air très con !
« Je ne sais pas en quoi je peux vous aider. Enfin encore moi dans un lit d'hôpital » je baragouine
« Vous avez sûrement raison. Dès que vous sortez, venez au commissariat ou appelez-moi » sourit le commissaire en me donnant une carte
Le fameux Raphaël me jette un dernier regard avant de quitter la chambre alors que le commissaire m'adresse un dernier sourire. Je me lève enfin de ce lit. Mes jambes flageolent. J'ai l'impression d'apprendre à marcher. Je suis obligée de me maintenir au lit pour ne pas m'écrouler au sol. Réhabituée à être debout, je m'avance jusqu'à la fenêtre. J'observe la ville derrière la vitre lorsqu'une infirmière rentre.