Jour 3

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Je ne pense qu'à une chose.

Revoir Alyss.

Revoir son sourire onctueux.

Entendre sa voix et son rire.

Revoir la fille que j'aime.

Pour la première fois depuis quelques semaines, je ne suis pas tiré hors du lit par un village complètement fou, mais bien par le merveilleux sentiment qu'est l'amour. Je me mets alors à chercher. Mais je ne cherche pas ce que je cherche habituellement. Je la cherche. Je fouille le village entier dans l'espoir d'apercevoir son visage angélique. Je regarde dans chaque ruelle, j'examine chaque maison. Et enfin, je la vois. Elle porte une magnifique robe rouge sang et des boucles d'oreilles dorées. Elle est splendide. Elle est radieuse.

On se met alors à se parler tout en se promenant dans le village à la recherche du corps. À peu près 5 minutes plus tard, on entend quelqu'un crier avoir trouvé le cadavre. Le village se rassemble alors près de la dépouille et on découvre enfin la victime des loups-garous. La mère d'Alyss. Je suis triste pour Alyss, mais en la regardant, la mort de sa mère ne semble pas l'affecter plus que ça. Aucune larme ne perle sur son céleste visage. Aucune tristesse ne se dessine sur ce dernier. Aucune émotion n'y parait. Et ensuite, je me souviens. Je savais que le corps était sa mère. Mais j'avais oublié que la mère était aussi la tortionnaire. Et qu'Alyss était la martyre. C'est une sensation très étrange de voir son amie perdre sa mère et n'avoir aucune réaction, complètement détachée de cette dernière.

Le vote. Cet horrible moment qui nous demande sacrifier quelqu'un. De le tuer sauvagement pour nous protéger. Le village se consulte alors et les accusations se tournent peu à peu vers le père d'Alyss et vers ma mère. Tout le monde a voté, sauf Alyss. Les résultats me font tressaillir: 5 à 5, le vote de ma mère comptant double vu qu'elle est capitaine. Alyss doit donc trancher. Elle a le destin de deux personnes entre ses mains.  Je ne veux absolument pas que ma mère meurt, mais je m'attends au pire. Le choix d'Alyss me tourmentera encore longtemps: « Je vote contre mon père ». Ce dernier la regarda avec des yeux mélangeant affolement, peur et tristesse. Alyss soutien son regard, ne détourne pas les yeux et ne démontre aucune émotion. J'ai alors énormément de peine. Pas pour son père, non, mais bien pour Alyss. Je me demande quelles souffrances Alyss a-t-elle bien pu endurer pour en venir à souhaiter la mort de son propre père. Cette pensée me fait frémir. Le père d'Alyss est emmené sur le bûcher et le feu le consume peu à peu. Quelques secondes avant de rendre l'âme, le père s'adressa à sa fille une dernière fois: « Je t'ai toujours aimée, Alyss ». Ce à quoi elle répondit: « Moi non, papa ».

Et il mourut.

On a ensuite décidé de passer l'après-midi ensemble. On flâne dans le village qui, le jour, peut-être un endroit charmant. Ce dernier est de forme circulaire. On y trouve au centre la Grande Place du village, où toutes les grandes décisions sont prises. Puis, autour, il y a tous les autres bâtiments: boulangerie, église et maisons entre autres. Tout cela est entouré d'une palissade en bois, censée assurer notre protection, mais ayant visiblement failli à sa tâche. Si tout le monde n'avait pas été complètement terrorisé, le village aurait pu être un petit paradis sur Terre. Mais ce n'est pas le cas. Tout le monde se méfie de tout le monde, à quelques exceptions près, et tout le monde a peur. Tout le monde, sans exception. Le petit paradis s'est alors transformé en petit enfer. Thiercelieux est devenu un endroit où il ne fait pas bon vivre.

Sauf qu'avec Alyss, tout change. Thiercelieux retrouve son charme d'antan et redeviens le village que j'aimais tant. Avec Alyss, je me sens mieux. Avec elle, je me sens bien. C'est indescriptible ce que je ressens, comme si Alyss dégageait une aura apaisant partout où elle va. Tout l'après-midi, je revis les années passées, quand le village contenait une centaine d'habitants. Quand les loups-garous ne rôdaient pas la nuit. Quand on ne se barricadait pas la nuit. Quand on vivait bien. Tout l'après-midi, je parle avec Alyss. On se confie l'un à l'autre. On se révèle nos plus sombres secrets, enfouis au plus profond de nous. On vit un véritable rêve éveillé. Ce matin, j'écrivais que c'était une drôle de sensation de voir son amie perdre sa mère et rester impassible. C'en est une bien plus particulière qu'est celle de voir cette même amie perdre ses 2 parents et tout de même passer un après-midi merveilleux. On est par la suite dérangés par ma mère qui vient m'annoncer que c'est l'heure de manger, puis qu'il faudra se mettre au lit peu après. Ma mère invite alors Alyss à venir manger et coucher chez nous cette nuit. Alyss accepte l'invitation pour le repas, mais décline celle du coucher, déclarant que même s'il n'y a personne chez elle, elle préfère tout de même dormir dans sa maison. Je suis un peu déçu, mais Alyss me rassure en me disant une fois ma mère partie: « On se refera ça, cette nuit ». Je suis content. Je la reverrai cette nuit, et de nouveau, on courra ensemble. J'ai hâte. Tout sera parfait avec une fille comme ça.

Durant le souper, tout le monde se parle. Ma mère fait connaissance Alyss et elles s'entendent plutôt bien. Malheureusement, ma mère m'annonce une terrible nouvelle. Elle me dit que, même si je n'ai jamais essayé d'en apprendre plus sur ça, elle ressent le besoin de me le dire. Et elle prononce 5 mots. 5 terribles mots: « Ton père était un loup-garou ». Mon père était un loup-garou. Je suis abattu, je ne sais plus quoi dire. Mon père était un loup-garou. Et je lui ai fait confiance. Je l'aimais. J'aimais un loup-garou. Et je l'aime encore. Peu importe ce qu'il a bien pu faire, il a toujours été gentil avec moi et s'est sacrifié pour ma vie. Un loup-garou s'est sacrifié pour un vulgaire villageois. Peut-être même que c'est en partie grâce à lui si, ni ma mère ni moi nous sommes morts quand il était en vie. J'aimerai toujours mon père, et rien au monde ne changera cela.

C'est l'heure d'aller se coucher, il est déjà 9 heures. Alyss marche vers sa maison et je la regarde partir. Je lui dit alors: « Alyss? ». Elle retourne et m'écoute. Je prends mon courage à deux mains et déclare: « Je t'aime ». Elle se rapproche ensuite de moi, me regarde droit dans les yeux, et pose ses douces lèvres sur les miennes, m'offrant ainsi le plus beau cadeau du monde. Elle se retourne et, sans dire un mot, continue à marcher vers chez elle.

ThiercelieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant