Le Loup

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L'orage mit toute la journée pour recouvrir la vallée de son pâle manteau, étouffant chaque parcelle de terre. Il finit par éclater d'un coup, crevant la tension accumulée et inondant le paysage. Des éclairs zébraient le ciel de part en part dans une course effrénée vers le sol. Seuls et éphémères, à peine étaient ils nés, qu'ils mourraient tout en beauté. Leur ultime cri parvenait tel un écho lointain. Dans le ciel se dessinait un ballet aérien aussi violent qu'éclatant parsemé de moments calmes où seuls quelques éclairs timides se manifestaient. Ils éclairaient ainsi les arbres solitaires pendant un instant fugace. Ce jeu de lumière donnait vie au corps décharné de ces êtres immobiles. Grâce aux bourrasques au travers de leur branchage, les arbres répondaient à l'appel des éclairs dans un craquement de bois. En plein cœur de cette vallée désolée s'élevait un chant à la fois sinistre et mélancolique. Les arbres remerciaient en une douce complainte ceux qui leur avaient temporairement donné vie avant de se fondre à nouveau dans la noirceur de la nuit.

Ce ténébreux spectacle de la vie et de la mort semblait ne jamais vouloir s'arrêter. Seul, je bravais la tempête pour me joindre à eux et entamer mon chant. Cherchant désespérément à attirer son regard je poussais mes plus forts hurlements. Hélas, elle restait au loin, immobile, semblant m'ignorer. Je continuais inlassablement, les âmes de la nuit se joignant à moi grossissant nos chœurs. Mes hurlements portés par les vents et ponctués parles éclairs se perdaient de plus en plus haut dans le ciel. Aux heures les plus sombres de la nuit, nous, compagnons éphémères des ténèbres, hurlions à en faire frémir les cieux étoilés.

Malheureusement, comme une pièce de théâtre, chaque comédien finit par quitter la scène en une dernière révérence. Bientôt les éclairs s'essoufflèrent emportant leur lumière au loin. Sans cette étincelle de vie, les arbres perdirent peu à peu la passion qui les animait. Avec un dernier chant ils dirent adieu à leur compagnon de nuit et se murèrent à nouveau dans le silence. Le vent s'estompa avec leur voix. Le soleil, de ses timides rayons, fit ainsi revenir le silence de la mort dans la vallée. Seul, je restais debout et fier, entamant un ultime hurlement à son attention avant qu'elle ne disparaisse encore une fois.

Puis elle disparut.

Mes compagnons redevenus de simples branchages ondulant au gré d'une légère brise et ma bien aimée envolée, il ne me restait plus qu'à attendre une nouvelle occasion de pouvoir l'atteindre. De pouvoir lui prouver que je suis là et que je ne l'oublierais jamais. Les journées seront longues. Trempé et sans voix, je repris ma route au travers des racines des arbres squelettiques, le museau contre terre. Attendant le retour de la Lune.



Fin

Le LoupOù les histoires vivent. Découvrez maintenant