17_ Frère de sang

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[ Kintaro]

{ 9 ans plutôt }


_ Hey ! C'est l'heure, microbe !

Encore lui. Toujours lui. Un an s'est écoulé depuis qu'ils m'ont amené ici, dans cet enfer.

_ Alors ? On ne veut pas se lever ? Tant mieux !

Je ne lui prête pas attention et reste assis dans mon coin. Je ne connais pas le nom de cette ombre. En fait, je pense qu'aucune ombres ne portent de nom. Je ne lui en ai pas attribué un parce qu'il ne le mérite pas.

Une odeur répugnante gagne ma cellule. Cette odeur, c'est celle du sang. Il a sûrement tué un autre prisonnier devant la grille, encore. Si autrefois je faisais tout pour qu'il n'y ait aucun blessé, aujourd'hui, je m'en fiche totalement. Qu'il lui tranche la tête, lui arrache tous les organes, lui brise tous les os ou lui explose la cervelle, ça ne me regarde en rien. C'est à eux de se défendre. Dans ce monde cruel, la cruauté est permise. Qui suis-je pour changer cela ?

– C'est pas drôle tu sais. Je préférais te voir me supplier : " Épargnez le ! " J'adorais te voir espérer un miracle.

Je reste indifférent à ses propos et ne bouge pas de ma place.

– Ok. Je vais chercher des enfants le temps de la séance. Ensuite, on va refaire la déco de ta cellule.

La séance, c'est le nom qu'il donne à tous ce qu'ils font aux prisonniers comme moi. Je ne sais pas pourquoi ils font ça mais, tous les jours, ils nous font subir mille supplices. Ils nous perforent le corps avec de grosses barres métalliques rouillées contre un mur et nous observent. Ils veulent tester nos limites et nous voir sombré dans la folie. Si, par miracle, on tient une journée, alors ils passent à la séance suivante, c'est-à-dire, la même chose à quelques détails près : ils tuent une personne en face de nous et l'accroche au dessus de notre tête pour laisser le sang se déverser jusqu'à la dernière goutte. Interdiction de pleurer sinon, une décharge électrique nous traverse le corps pour chaque larme versée.

Quelques minutes après le départ de l'autre là, deux ombres viennent me chercher. Vous les connaissez déjà : le vieux tordu et le jeune. Ceux là même qui m'ont retiré à mon monde si paisible.
Avant, je les haïssais pour ce qu'ils avaient fait. Maintenant, je ne ressens plus rien. Ni la haine, ni la douleur, ni chagrin. Je serais même incapable d'apprécier qui que ce soit. J'ai fini par oublié la valeur des sentiments. En avaient-ils même ? De la "valeur".

Le Vieux_ Comment se porte notre jeune " recru" ? .... As-tu perdu la parole ? Je t'ai posé une question !

Le Jeune_ Et voilà. Vous avez fini pas briser ce pauvre petit. Je l'aimais bien.

Le Vieux_ Silence ! Je ne t'ai pas permit de parler, c'est à lui je m'adresse !

Ils commencent à m'obserser. Sûrement pour réfléchir à ce qu'ils vont faire de moi aujourd'hui.
Ces sept derniers mois, je fais partie des entrainements des nouveaux. Je suis passé de cobaye à punch ball. Au début, ils étaient trop fort pour moi, je n'arrivais même pas à esquivé un seul coup. Maintenant, c'est moi qui les frappe, jusqu'à les tuer.

Le Vieux_ On te laisse pour aujourd'hui.

Il fait signe à l'autre ombre de le suivre et s'en vont tous les deux.

Depuis que je suis ici, j'ai appris beaucoup de choses.
D'abord, les parents que je connaissais n'était pas mes parents biologiques. Ça, je m'en doutais.
Ensuite, j'ai un frère jumeau, un vrai jumeau, répondant au nom de Shintaro. Ça explique certaines choses comme des douleurs et des sentiments que je ressentais sans raison.
Enfin, j'ai rencontré mon père biologique. Il s'appelle Anon. Je n'ai pas vraiment d'information sur lui, mais on dirait que les ombres le craignent. Dans ce cas, pourquoi est-ce qu'il ne nous sort pas de cet enfer, Shin et moi ?

Shintaro_ Peut-être pour nous tester.

Depuis quand il est là, lui ? Je ne peux pas sentir sa présence puisqu'à la base, nous sommes une même personne.

Shintaro_ Tes pensées ne sont toujours pas verrouillées ?

Kintaro_ Non et alors ? Ils peuvent lire dedans, ça ne changera rien. Je les tuerais tous jusqu'au dernier.

Shin s'assoit près de moi et commence à fixer le plafond. Il est rempli de cadavre suspendus.

Shintaro_ A quoi ressemble un véritable ciel bleu ? Est-ce qu'il est comme celui du dôme ou il est encore plus beau ?

Je le regarde, mais je me sens vraiment triste. Shin a grandi avec une famille de maniaques. Ils avaient tellement peur de mourir qu'ils s'étaient renfermés dans un dôme. La vie était possible à l'intérieur, mais le rêve de Shin a toujours était de voir un véritable ciel. Pas une toile que l'on change selon les heures.

Moi, je sais à quoi ça ressemble. Pourtant, ça n'a pas autant de valeur à mes yeux. Pourquoi les gens s'acharnent-ils pour découvrir ce qu'ils n'ont pas ou ne peuvent pas avoir ?

Shintaro_ C'est pour trouver un sens à leurs vies. À quoi bon vivre une vie dans laquelle tu n'attends que la mort ?

Kintaro_ À quoi bon vivre si on meurt à la fin ? C'est vrai, on ne choisit pas de naître ou non. Mais ce n'est pas une raison pour se plonger dans une illusion qui nous fera croire qu'on a toujours eu le choix de vivre.

Shintaro_ Ah, parce que pour toi, ceux qui se suicident n'ont pas eu le choix ?

Kintaro_ Pour que je réponde à ta question, faudrait déjà qu'on ait la même définition du mot "suicide".

Shin se relève, ne voulant plus continuer.
Il a sa vision de la vie, et moi la mienne.

Shintaro_ Non. Faudrait plutôt qu'on se mette d'accords sur ce que veut dire la mort. Et dis-moi un peu, comment comptes-tu exterminer tous les Impériaux si tu n'es même pas capable de verrouiller tes pensées comme il le faut.

Il se dirige vers un mur et ouvre un portail spacial. Normalement, cette technique demande une grande quantité d'énergie et un niveau de maîtrise élevé. Il est clairement plus fort que moi.

Shintaro_ Non. Je ne suis pas plus fort, c'est toi qui est plus faible. Apprends à contrôler ton pouvoir à la perfection, découvre et utilise des techniques de plus en plus rares et compliquées. Tu pourras peut-être me dépasser plus tard.

Je détourne le regards ailleurs.
J'ai compris son message maintenant.

Shintaro_ Le faible devient plus fort. L'inverse étant possible, considère toi toujours comme étant le faible qui doit progresser.

Shin traverse le portail et disparaît. Le silence revient alors dans ma cellule.
Je suis faible, ça je le sais déjà. Mais me considérer faible toute ma vie ? En serais-je vraiment capable ?

Ce dont je suis sûr, c'est que mon histoire ne sera pas des plus joyeuse. Sa fin ? Je la découvrirai sûrement assez tôt.

KintaroOù les histoires vivent. Découvrez maintenant