Chapitre 5 (2)

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— Je ne suis pas trop mauvais en survie, se vante ce dernier en haussant les épaules.

Mes yeux se lèvent vers le ciel devant cette réplique stupide. Le plus dur reste à venir.

— Ta petite escapade a fait le tour des camps du Nouveau Monde ! lâche-t-il, admiratif.

— Maintenant, il faut que je sorte d'ici ! Tu as prévenu Ralph et Alana ?

— Oui. Ralph réunit quelques soldats pour te soutenir en cas de soucis, mais tu seras d'accord avec nous, le but serait vraiment de te sortir d'ici sans esclandre. L'équilibre est précaire entre Valéria et le Royaume de Sorène...

Je me sens totalement étrangère à cette discussion, qui dépasse de loin les connaissances basiques de mon quotidien à Valéria.

Adrien, attentif, acquiesce puis je le sens plonger dans ses pensées.

— Quand arrive le convoi d'essence ?

— Aucune idée, il faudrait que je me renseigne. Ça fait longtemps qu'on n'a pas fait ça... Voir aussi qui s'en charge, et s'il est possible de soudoyer les personnes. Est-ce que... tu es sûr d'être en sécurité ici ?

Le regard d'Eric glisse sur moi d'un air septique. Je me fais l'effet d'être une plante verte.

— Oh mais si vous voulez l'embarquer, ne vous gênez pas ! Bon démarras ! m'exclamé-je avec emphase.

Les lèvres d'Adrien se retroussent et il fixe les miennes de façon impudique, me faisant rougir d'embarras. Notre petit intermède se réinvite dans mon esprit, sa bouche près de la mienne, son souffle aventureux au creux de mon oreille... Je secoue la tête et me tourne vers Juliette.

— Tu te rends compte du risque que tu me fais prendre en amenant un gardien chez moi, Juliette ?

— Ne sois pas de mauvaise foi Lil' !

Juliette reprends pour tout le monde, une octave au dessus.

— Si on veut tous sortir de cette histoire indemne, il va falloir un minimum de confiance entre nous. D'un côté comme d'un autre, précise-t-elle avec un regard appuyé vers moi.

— Parfait ! Commençons par toi, Adrien Conrad ! Ton but ultime est donc de renverser Valéria... ou de faire la gueguerre à ton papa ?

Ma voix est vindicative, mes propos sensiblement provocateur. Mon agacement est palpable, mais motivé par l'inconnu devant moi. J'ignore qui il est. Et ça m'irrite prodigieusement. Lorsque je plonge au fond de ses iris aux couleurs improbables, j'ai l'impression de toucher du doigt cette réponse que je cherche tant. Cette énigme que je pressens et qui m'attire dangereusement.

— Valéria est une vaste fumisterie ! Une réponse inadaptée à un problème qui n'a plus lieu d'être ! Ouvre ton esprit Lilas, et surtout, ouvre les yeux !

— Calme-toi Adrien, intervient Éric. Tu vois le monde avec les yeux de la personne qui sait. N'oublie pas que les habitants de Valéria ignorent ce qui se trame à l'extérieur. Je te l'ai répété plus d'une fois mon petit, ajoute-t-il avec un soupçon de tendresse dans la voix, tu risques de rencontrer les mêmes soucis si tu renverses le gouvernement Conrad...

Les deux hommes s'affrontent en silence. Leur connivence est éloquente, leur lien évident. J'ai soudain envie de connaître leur histoire.

— Comment êtes-vous devenu gardien, Éric ?

L'intéressé lève un sourcil, mais tarde à me répondre.

— Il paraît qu'il faut se faire confiance.

Étrangers / Tome 1 (édité chez Plumes du Web)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant