La Mort était belle. Elle était belle dans sa noirceur, belle dans son extrémisme. Inatteignable, elle restait le suprême, le visage de la fin. Peut-être était-ce bien là ce qui nous enchantait tant. Elle nous voyait accourir, ceints du mal le plus honnête, auréolés des désespoirs les plus purs. Oui nous étions tous là, les brisés, les exclus, les timides, les ratés ; tristes papillons fous éblouis par le drame. Qu'importe notre histoire, par elle nous étions tous reliés, elle nous cognait ensemble, pulvérisait nos peurs, jubilait à nos corps fracassés contre les murs de l'horreur. Elle se tordait de rire, à voir cette horde de pantins sidérés se détruire, luttant pour innover, hantés de rêves ignobles, ne pensant qu'à sombrer. Il était bon de s'affaiblir, de râler, de croupir. Ils étaient minables, à chercher la beauté dans les affres du mal. Il fallait trouver les manières les plus folles, les plus douloureuses, les plus voyantes, les plus horribles. Tous les moyens sont bons pour déconstruire nos âmes. Elle nous fascinait ; nous voulions, nous devions sentir son souffle, toujours plus loin, toujours plus près.
Et lorsqu'on finissait par la toucher au terme d'une ultime imprudence, on se dégonflait. Finis les rires et finie la cavale. C'était trop tard. Personne ne nous prévint quand nous eûmes assez joué. Soudain, elle ne paraissait plus aussi resplendissante. Nous n'étions que des lâches, des perclus d'immondices, des mangeurs de pitié. Non nous n'étions pas prêts, oui nous avons eu tort.
Alors elle fouilla dans nos cœurs, lamina nos entrailles. Ça y est elle était là, juste là contre toi, elle nous prenait les mains. Et on lui faisait face, et nous n'étions plus rien. Nos espoirs nous lâchèrent, nos corps se dissolvèrent, nos yeux épouvantés furent les seuls à rester.
Et on la regardait, immensément glacés, souffler sa perfidie dans les pires de nos larmes.