Désinvolte

Chers lecteurs,

je dois vous éclairer, vous dire la vérité car on vous ment. Sous le prétexte de vous rassurer, dans le but que vous gardiez espoir, on vous vend des journaux où vous pouvez vous réjouir de nos victoires, admirer notre courage, notre ardeur.

Pauvre peuple, si le front pouvait être celui qui vous est décrit. Mais ce ne sont que des sottises, on vous cache la vérité pour que vous continuez à avoir espoir, à rester confiant et fier. 

Elle est belle la France, elle danse, comme les soldats de l'édition hier. Apparemment nous dansions, nous étions prêts, joyeux et impatients d'aller combattre en cet hiver 1917.

Nous dansions! Vous vous rendez compte?

Heureux d'aller mourir? Enthousiasmés de savoir que si ce n'était pas à ce combat que nous mourrons, ce sera dans 6 jours? Confiants de revenir vivant dans nos sales tranchées après l'affrontement avec pour seule différence 10 camarades en moins?

Alors nous dansons, nous dansons alors que nos mains sont gelées. Nous dansons alors qu'on ne peut manger dans des assiettes, alors que la boue crasseuse nous envahie.

Les journaux doivent mentir pour que vous restiez confiants. Tandis que nous devons, en plus de risquer notre vie, ramener un fil de fer boche pour justifier, prouver qu'on s'est battu, qu'on a défendu notre patrie. Notre patrie qui ment et nous laisse mourir. Notre patrie qui passe plus de temps à savoir comment rassurer la population saine plutôt que d'aider celle qui se meurt. Notre patrie qui boit du champagne pendant que certain meurt de froid. Notre gouvernement, qui dans de chauds bureaux, de confortables fauteuils décident de notre sors, sans jamais se préoccuper de ce que signifie vraiment les vies humaines qu'ils manient.

Je plains la femme qui attend le retour de son mari, sereine, alors que celui-ci est terrifié, traumatisé et ne rentrera jamais chez lui. Il est déjà peut être enfoui sous les amas de boue et de sang. Mais elle le croit heureux, elle le croit dansant.

Et on nous parle d'honneur, de médaille j'ai honte.

Au revoir je retourne me battre,

Au revoir je retourne danser dans la boue.

R.D.