Eugen

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Eugen.

C'était mon prénom.

C'était mon prénom quand j'étais cordonnier avec ma femme Raphaela et mon fils Stephan.

C'était mon prénom avant que de recevoir une convocation.

Tout avait changé a ce moment là.

Je portais une tenue kaki avec un casque de la même couleur et des grosses bottes brunes inconfortables. C'était le comble pour un coordonier: ne pas être à l'aise dans ses pompes.

Mais c'était le cas.

Et ce fut le cas pendant plusieurs années.

J'ai d'abord été formé. Formé pour tuer. Tuer "la race inférieure". Je n'y comprenais rien. Notre pays était en guerre maintenant? Depuis quand? Qui nous attaquait?

Je ne savais pas que nous attaquions.

J'ai ensuite été emmené pour mettre ma formation en œuvre. Et je changea régulièrement de poste. Comme si je n'avais ma place nul part... Mais c'était un peu le cas .

Ils étaient tous dans la haine, dans l'envie de sang, l'envie de pleure, l'envie de hurlements. Ils étaient sadiques, sans pitié, insensibles. Ils avaient besoin de tuer, race inférieure ou non.

Mais moi je n'y comprenais rien.

Pendant de longs mois, je n'avais pas encore eu besoin de me servir de mon arme.

Je devais faire les arrestations, porter les convocations... Puis, ils étaient emmené dans un wagon en direction de... D'un autre pays? En réalité je n'en savais rien. Rien du tout .

On m'a dit "fais le, et tu reverras ton fils". Alors je l'ai fait.

Puis, j'ai été sur le champ de bataille.

Et là, je devais tuer. Tirer sur des hommes de mon âge. Certains étaient si jeunes qu'ils ne pouvaient tenir leur armes. D'autres étaient si vieux qu'ils arrivaient a peine a marcher.

Tuer.

Je n'aurais jamais pensé a devoir un jour décider de la vie ou de la mort de quelqu'un. C'est pour ça que la première fois... Je n'ai tué personne. La seconde non plus. Mais la troisième, un ennemi m'a attaqué, couteau a la gorge. Je n'avais pas d'autres choix.

Tuer pour survivre.

Tuer pour Stephan.

Tuer pour l'Allemagne.

J'ai fait couler du sang. Le sang des gens qui voulaient défendre leurs enfants, leur femmes et leur pays.

Mais, mon mental s'est brisé quand on m'a fait changer de poste a nouveau.

C'était une sorte de gare. Mais C'était différent.

Je devais trier. Décider de la vie et de la mort tout en regardant mes victimes dans les yeux.

Par centaines, elles montaient dans des camions et c'etait leur dernier voyage.

J'ai effectué ce travail pendant très longtemps, et parfois, je voyais dans le regard de certains garçons, le regard plein d'incompréhension de Stephan.

Est-ce qu'il savait ce que je faisais?

Est-ce que sa mère le savait?

Puis, j'ai commencé a travailler en camp de travail.

Ça n'a pas duré.

L'extermination massive, la famine, les experiences, les blessures, hommes, femmes, enfants.

Je comprenais maintenant.

Tout ceux a qui j'avais fait prendre le train n'étaient désormais que des blocs de vieux savon. N'étaient que des restes de peau sur lequel apparaissait leur numero qui leur soutirait l'identité.

Tout était là sous mes yeux.

J'avais tué des milliers de personnes.

Sans même avoir la nausée.

Ce soir, je termine cette lettre et demain, vous me trouverez mort par pendaison.

J'aime Stephan, et j'aime Raphaela. Alors dites leur que je suis mort sur le champ de bataille, le chargeur plein.

Bonne nuit.

Eugen Où les histoires vivent. Découvrez maintenant