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Mon cri passe la barrière de mes lèvres sans que je ne puisse le retenir tant la douleur est insupportable. Les larmes coulent sur mes joues. Mes dents se mettent à mordre avec force ma lèvre inférieure. Mes poings se serrent. Mes ongles s'enfoncent avec facilité dans mes paumes. Tous mes muscles sont tendus. Je frappe du pied la table de massage sur laquelle je suis installé depuis de longues minutes.

- Calme-toi, Louis !

- Qu'est-ce que vous avez tous à me dire de me calmer ? grommelé-je.

Je vois Mark, le kiné de l'équipe, lever un sourcil sous l'étonnement. Je lui fais seulement une grimace pour lui signifier que ce n'est rien. Il ne peut pas comprendre. Il n'était pas là quand ce type m'a empêché de défoncer le crâne de Calvin. Type qui n'est pas sorti de mes pensées depuis qu'il m'a laissé dehors. Il y a plus d'une demi-heure peut-être.

- Mais arrête de bouger comme ça.

- J'aimerais bien t'y voir, toi !

- Tu ne dois la douleur qu'à toi-même, Louis ! On t'avait dit de ne pas jouer ce soir.

Je baisse la tête. Je ne pouvais pas louper cette finale mais quand je vois le résultat, je me dis que cela ne servait strictement à rien. Je n'ai pas permis à mon équipe de gagner. J'ai failli à ma mission de capitaine...

- Mais qu'est-ce que tu as foutu ?

Je me tourne vers le kiné, un sourcil levé par l'incompréhension.

- De quoi tu parles ?

- De ton épaule, pardi. Elle n'était pas en si mauvais état à la fin du match.

Mes épaules se soulèvent me faisant grogner de douleur. C'est vrai qu'avant de me battre, je n'avais pas autant de difficultés à la bouger. Mais je vais éviter de lui raconter ma rencontre avec Calvin parce que je ne suis pas sûr que ça arrangera mon cas.

- Bon, que tu le veuilles ou non, Louis, là, c'est immobilisation du bras. Pendant un long, très long moment.

Je hoche la tête à l'annonce de Mark, pas le moins du monde surpris. Je m'y attendais. Je me redresse et m'assois sur le bord de la table. Je m'essuie les joues, essayant de garder le peu de dignité qu'il me reste.

- Je vais te mettre un bandage pour t'empêcher de la bouger. Pour être fixés, il faudra faire des radios et attendre.

La patience... Ce n'est pas réellement mon point fort. Je soupire tandis qu'il s'éloigne de moi pour aller chercher l'écharpe qu'il veut me mettre. Je n'ai pas le temps de m'apitoyer sur mon sort qu'on frappe à la porte des vestiaires. Je relève la tête et vois celle de mes sœurs apparaître l'une au-dessus de l'autre.

- Qu'est-ce que vous faîtes là les crapules ? m'exclamé-je, souriant.

Même après une défaite, je suis ravi de voir mes petites sœurs, Lottie et Félicité. Je dirais même surtout après une défaite. Elles me remontent toujours le moral. Il faut dire que c'est tellement rare qu'on puisse se voir que lorsque cela arrive, je suis le plus heureux.

- On t'a apporté des Dragibus, déclare Lottie en ouvrant la porte, me laissant entrevoir Félicité mais aussi Tommy et Tasha derrière elles.

Tommy est le petit-ami de Lottie depuis une éternité alors que Tasha est une amie de Félicité que je connais à peine. Tout ce que je sais, c'est que ma petite sœur l'adore et qu'elle l'aide beaucoup à aller mieux alors ça me suffit. Alors même si ma seule envie à cet instant est de pleurer sur mon sort, je me force à sourire à tout le petit groupe.

Je lève les yeux au ciel quand ils entrent tous les quatre comme s'ils étaient chez eux dans la pièce qui était réservée à mon équipe et sans un mot, je tends mon bras gauche vers Lottie qui est toujours celle qui a les bonbons dans ses affaires.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? me demande Félicité en ouvrant son sac.

Je suis étonné que ce soit elle qui ait les bonbons. Je reste interdit quelques secondes avant de me reprendre et de lui mentir :

- Rien, rien...

Lottie fronce les sourcils parce qu'elle comprend que je ne lui dis pas la vérité. Elle vient s'asseoir à côté de moi sur la table et pose sa main sur ma cuisse. Elle me fixe, attendant une autre réponse. Je me tourne vers Félicité qui a le paquet entre les mains. Je bouge les doigts pour qu'elle me le donne mais elle se contente de secouer la tête. Je soupire et leur annonce :

- J'ai un petit problème à l'épaule.

- C'est quand tu es tombé à la fin ?

J'hésite un instant et finis par hocher la tête. Elles n'ont pas besoin d'en savoir plus.

- Tu aurais dû laisser Rémi s'en occuper, me sermonne Lottie alors que Félicité ouvre mes bonbons et me les donne enfin.

- Et louper le but que j'ai mis après ? Tu me connais assez pour savoir que je ne laisse pas une telle opportunité passer.

Je les désespère, je le sais mais j'ai toujours été ainsi et ce n'est pas aujourd'hui que je vais changer.

- Vous êtes arrivés quand à Paris ? me renseigné-je tentant de changer de conversation, malheureusement, c'est exactement le moment que choisit Mark pour revenir avec son énorme écharpe.

- Salut les jeunes ! les salue le kiné.

- Wesh, c'est quoi ce truc ? demande à sa manière Tasha.

Je lève les yeux au ciel alors que Mark se met entre mes visiteurs et moi. Seule Lottie, à côté de moi peut me voir grimacer quand il bouge mon bras.

- On va te laisser te changer tranquillement. On va se trouver un bar dans le quartier et on t'envoie l'adresse, ok ?

Je prends sur moi pour hocher la tête. Elle m'embrasse la joue et ils sortent des vestiaires. Quand la porte claque derrière eux, j'ai l'impression d'avoir fait de l'apnée et je me permets de grogner de douleur.

- Tu aurais dû leur en parler. Elles ont le droit de savoir !

- Savoir quoi ? répliqué-je aussitôt. Tu l'as dit toi-même, on n'est pas encore fixés.

Je baisse les yeux sur mon paquet de Dragibus, les larmes encore une fois aux yeux.

Hand(s) to MyselfOù les histoires vivent. Découvrez maintenant