Un soir d'hiver, ce fut ces notes qui m'ont replongé dans un profond état de transe.
Lors de cette soirée, je me trouvais installé dans un fauteuil pourpre, flottant dans cette illusion de plaisir face à ce spectacle qui m'était offert. C'était à l'opéra. Le pianiste débutait alors un nouvel enchaînement d'accords. Je me redressai et tendis l'oreille pour la première fois depuis que je m'étais assis. J'étais d'ailleurs là uniquement parce qu'une personne chère me conseillait souvent voire forçait à essayer au moins une fois ce type de lieux. Honnêtement, je m'ennuyais plus qu'autre chose pendant la première partie. Mais à un moment que j'avais cité précédemment, ce devint finalement intéressant.
La mélodie et les notes correspondaient parfaitement. C'était bien elle. Je reconnaissais la musique mieux que quiconque. Je ne pus rester plus longtemps assis que déjà je fuyais la vaste salle rapidement, faisant retentir les plaintes des auditeurs qui perdaient peu à peu leur calme. Ces aristocrates pensaient-ils vraiment que c'était approprié d'oser gâcher une si belle œuvre ? En réponse, je grognai et accélérai ma cadence. Une fois sorti, je plaçai mes mains sur mes cuisses et, en m'appuyant sur celles-ci, je tentai difficilement de reprendre une respiration normale. Ce fut en vain ; je m'écroulai sur le sol. J'étais vraiment minable. Quelques personnes voulaient s'approcher, intéressées. Je repoussai tout ce tas de personnes et recommençai une course effrénée afin de m'éloigner de cet endroit devenu infernal. Je me sentais vraiment mal. Le bâtiment paraissait pourtant accueillant à première vue.
Quand je me retrouvais enfin à l'extérieur de l'opéra, je me redressai bien droit et, en regardant le ciel sombre, j'inspirai un grand coup et remplis au maximum mes poumons. Mes pieds avancèrent naturellement dans une direction inconnue. Je n'y voyais rien ; un voile semblait s'être installé devant mes mires. J'entendais seulement cette mélodie trotter encore et encore dans ma tête. Elle tambourinait à mes tympans, m'empêchant l'utilisation de mes autres sens existants.
Lorsque la fin de la musique arriva, je retrouvais l'usage de la vue. J'avais fini devant l'entrée du cimetière. Ce n'était pas si étonnant que ça en y réfléchissant bien. Mes pieds avaient l'habitude de parcourir ce chemin. Je frissonnai et frottais mes bras frénétiquement. J'étais pourtant habillé chaudement. Je remontai le regard lentement jusqu'à l'encrer dans le portail devant moi. Était-ce une bonne idée d'y aller maintenant, en pleine nuit ? Je me posais la question intérieurement alors que la réponse était évidente pour moi. Je me devais d'y rentrer. De toute façon, j'allais avoir des difficultés à m'endormir si je ne passais pas par ce lieu avant. J'avais besoin de m'exprimer librement sur sa tombe. Je poussai donc la grande grille qui grinçait de manière terrifiante. Encore une fois, j'inspirai un grand coup et mes pieds me guidèrent de leur propre chef sans que je ne leur ordonne quoi que ce soit. Je ne distinguais presque rien à moins de trois mètres devant moi tellement c'était sombre ; heureusement que je connaissais le chemin. Une dizaine de mètres à parcourir encore sur le terrain plat et celui-ci devint une montée. Il y avait ensuite quelques centaines de marches à parcourir avant d'arriver dans l'allée 164. Drôle de coïncidence ; ça correspondait à sa taille. J'arrivais même à faire des blagues, j'étais monstrueux. J'avançais lentement et tentais de ne pas paraître essoufflé à cause de tous les pas que j'ai fait. Ce serait déplacé d'arriver haletant devant sa tombe alors que cet être endormi était capable de merveilleuses choses comme la composition que j'eus entendu auparavant.
La tristesse me gagna aux trois dernières marches de l'ascension. Ce fut très rapide et un tas d'émotions parcourut tout mon corps. Ce dernier se bloqua et une boule se créa dans ma gorge. Je comptais la retenir le plus longtemps possible. Sur cette pensée, je m'avançai et me tournai devant la stèle. Je m'accroupis jusqu'à effleurer quelques pétales des bouquets présents. Certains fanaient mais gardaient une beauté indescriptible. Le lys blanc était en parfait état, je l'avais pourtant amené il y a environ une semaine auparavant. Jihoon était énormément apprécié. C'était une personne angélique et très altruiste. Sa personnalité était très jolie de même que toutes ses œuvres aussi tristes et émouvantes soient-elles. Quelques notes vinrent heurter mon cerveau. Encore celle-là. C'était sa dernière composition avant de partir définitivement. Inconsciemment, je commençai à la fredonner tout en ajoutant les quelques paroles que j'avais maintes fois entendues de sa voix d'ange.
Je commençai un monologue envers le monolithe comme à chacune de mes venues dans cet endroit terrible. Je me sentais écouté même si je savais que la réalité était tout autre et que je me trouvais en fait dans une immense solitude qui n'avait d'égal que mon chagrin. Mes yeux s'embuèrent au fur et à mesure de mes paroles. Étant déjà petits, je ne voyais plus que de la brume. Même ma vision n'était pas en forme. Je marquai enfin une pause après quelques minutes de discussion sans interlocuteur. Je respirai difficilement. Et une boule restait logée dans ma gorge.
Finalement, je craquai et laissai mes larmes dévaler mes joues en un torrent interminable.
Fin.

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Melody of Death.
De TodoUn soir d'hiver, ce fut ces notes qui m'ont replongé dans un profond état de transe. [Soonhoon]