Dans toutes les cultures, passées ou actuelles, la Lune tient une place particulière. Sa proximité de la Terre, son cycle mensuel alternant croissants, nouvelle lune et pleine lune, ont alimenté de nombreux mythes et croyances. Elle a aussi inspiré de nombreux artistes. En 1650, dans Histoire comique des États et Empires de la Lune, Savinien de Cyrano de Bergerac se mettait en scène tel un voyageur partant à la rencontre des habitants de la Lune, les Sélénites. Ce nom puise son origine dans la mythologie grecque, de Séléné, la déesse et personnification de la Lune.
Les espoirs de Cyrano de Bergerac d'aller sur la Lune se sont réalisés dans les années 1960-1970 avec les missions Apollo, un programme aux enjeux à la fois politiques et scientifiques. Les astronautes ont rapporté de ces expéditions des centaines de kilogrammes d'échantillons lunaires. Témoins de l'histoire géologique du satellite, ces roches ont permis aux planétologues de reconstituer les grandes étapes de la formation de la Lune. Mais ces dernières années, de nouvelles données ont montré que le passé de la Lune réservait des surprises.
Avant même de découvrir ces derniers développements, les chercheurs savaient que la Lune était un objet unique en son genre. Le rapport de sa taille et de celle de la Terre est le plus élevé parmi tous les couples planète-satellite du Système solaire et, par ailleurs, sa densité est relativement faible pour un objet de cette taille. Le Système solaire se serait formé il y a 4,6 milliards d'années lors de l'effondrement d'un nuage moléculaire géant, qui a donné naissance au Soleil et aux planètes. Mais certaines analyses indiquent que la Lune se serait constituée 100 millions d'années plus tard. Comment expliquer ce décalage ?
Le scénario privilégié est celui d'une collision entre la Terre et une planète hypothétique nommée Théia, la mère de Séléné dans la mythologie grecque. Néanmoins, les spécialistes continuent de débattre sur les différents aspects de ce modèle, et ces discussions se sont multipliées à la lumière des observations les plus récentes. Comment expliquer que la composition de la Lune et celle de la Terre soient si proches ? Quels sont les processus qui ont conféré à la Lune un champ magnétique intense pendant plus de 1 milliard d'années après sa naissance ? Et comment expliquer que la Lune présente un volcanisme relativement récent ? Grâce à des données nouvelles ou plus précises, les chercheurs commencent à esquisser des réponses aux énigmes de l'histoire lunaire.
Le premier épisode de cette histoire est celui de l'événement qui a donné naissance à la Lune. La collision catastrophique Terre-Théia n'est pas le seul scénario ayant été envisagé. Par exemple, en 1879, George Darwin (l'un des fils de Charles Darwin) avait suggéré que le satellite s'était formé par fission de la Terre à une époque où elle tournait très vite sur elle-même, la force centrifuge ayant provoqué une éjection d'une partie du manteau dans l'espace.
La Lune exerce des forces de marée sur la Terre, qui ont tendance à ralentir le mouvement de rotation de la planète. Cela implique que par le passé, lors de la formation de la Lune, la Terre tournait beaucoup plus rapidement sur elle-même. Pour déterminer cette vitesse, il faut prendre en compte la conservation du moment cinétique, ou moment angulaire, du système Terre-Lune. Cette grandeur physique décrit l'état général de rotation d'un système et est conservée – en l'absence de perturbation extérieure, elle garde la même valeur au cours du temps. Le ralentissement de la rotation de la Terre dû aux forces de marée tendrait à diminuer le moment cinétique du système Terre-Lune, mais il est compensé par l'éloignement de la Lune.
De ce fait, la Lune aurait été plus de dix fois plus proche de la Terre à l'époque de sa formation, très probablement à une distance de l'ordre de quelques rayons terrestres, contre 60 actuellement. On en déduit que la durée d'une journée sur la Terre était d'environ cinq heures, valeur trop élevée pour que le modèle de George Darwin soit plausible.
Parmi les autres idées proposées pour expliquer la formation de la Lune, figure celle de la capture par le champ gravitationnel terrestre d'un corps formé ailleurs dans le Système solaire. Ce scénario a été en vogue jusque dans les années 1980. Cependant, les premières analyses des échantillons ramenés par les missions Apollo et les missions soviétiques Luna ont montré que la Terre et la Lune présentent une composition très proche, ce qui est difficile à expliquer si la Lune s'était formée dans une autre région du Système solaire (la composition des planètes semble très hétérogène, ne serait-ce que si l'on compare celles de la Terre et de Mars, par exemple).
Une autre possibilité serait un scénario de coaccrétion : la Terre et la Lune se seraient formées au même endroit et en même temps. Mais plusieurs arguments contredisent cette hypothèse. Même si les compositions des manteaux terrestre et lunaire sont très proches, elles présentent quelques différences, portant en particulier sur la concentration du fer. Lors de l'accrétion des débris qui ont formé un corps tel que la Terre ou la Lune, la structure interne s'est différenciée en un noyau de fer liquide et un manteau. La quantité totale de fer du corps contrôle la taille de soleil...
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