''Quand à la réincarnation, cela n'a tout bonnement
aucun sens, pas plus que les concepts d'âme ou
d'immortalité. Les mammifères, dont l'homme fait
partie, sont tout simplement un phénomène
physico-chimique, un composé de carbone, animé
par une forme d'énergie électrique. Quand cette énergie
disparaît et que le corps se désintègre, tout est fini.''
H.P Lovecraft, lettre écrite le 20 janvier 1937 à Nils H. Frome.
Recueilli sur moi même j'ai enfin compris. Et dès ce soir, je ne serai plus. La mort m'apparaîtra comme une délivrance à laquelle je ne pourrais céder.
Le jour viendra où les murs se repeindront du sang versé par les hommes. Où l'agonie se lira sur les façades grises des cités qu'ils auront bâties pour se protéger. Le soleil se languira de sa course monotone et ira s'éteindre en gémissant derrière la frontière de l'irréel. L'obscurité pourra alors renaître, allégorie parfaite du chaos rampant sous nos pieds. Les tours immenses et noires déchireront le ciel et feront pleuvoir les étoiles sur le monde, un monde de terreur et d'oubli. C'est alors que le feu rongera nos âmes et nos pensées. Nos rêves enfantins s'évaporeront un par un et laisseront nos esprits troublés par un manque indispensable. La tête réglée, nos instincts seront méthodiques. L'homme a fabriqué la machine, et finira par en devenir une. Nos rejets de vapeur et de souffre alimenteront l'entreprise qui nous a conçus et le travail que nous accomplirons, à force de larmes et de sang, profitera à ceux qui nous ont programmés.
La maladie rongera nos terres, et l'eau acide des pluies abreuvera nos champs, tuant les récoltes si durement gagnées. Les marécages nous cernerons, leur putride odeur affaiblira nos sens, jusqu'à nous faire céder à la folie. Hurlants dans leurs mains sourdes, les hommes entendront sonner l'heure de leur déclin. Des créatures difformes, rampantes sur le sol boueux annexeront notre air, et pollueront nos champs, avant d'effacer du monde le souvenir de l'être humain, mammifère inapte à sa propre survie.
Et lorsque le lambda trouvera enfin le repos en fuyant l'incessant vacarme qui lui infecte les tympans, lorsqu'il sortira enfin de sa torpeur et de sa paralysie cérébrale, lorsqu'il parviendra à faire se relever les étoiles qui l'entourent, alors, le souvenir de l'être humain renaîtra de ses cendres, et les murs gris des citadelles n'auront plus à protéger qui que ce soit.
Jusqu'à ce que le chaos reviennent. Car l'étoile n'est jamais assez loin, et sa chute n'entraînera que violence et soumission. La révolution ayant fait son œuvre, les murs des prisons seront bâtis avec de la frustration, et peints avec la couleur du cauchemar.
Mais ce monde décrit par tant de métaphores n'est-il pas celui qui est notre hôte ? Après avoir lu ces derniers mots, pouvez vous encore regarder de face l'éclosion d'horreurs dont nous somme responsables ? Pouvez vous encore décemment vous faire croire que vous connaissez la signification réelle du mot ''vivre'' ? Je vous le demande ; croyez vous encore que la vie soit un cadeau ?