Chapitre 1- Bourg-Cléron

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Luka

Le village était étrangement vide, tous les volets étaient fermés. C'était la première fois que je voyais le village ainsi. Il semblait mort, sans vie pourtant je n'étais seul. Je ne saurais dire comment mais il y avait des gens autour, impossibles pourtant de les voir. Au loin un volet a claqué. Je me suis dirigé droit vers le bruit. Ma respiration était haletante et il y avait une odeur étrange dans l'air. Elle me faisait me sentir plus fort, j'avais envie de voir d'où elle venait.

Suivant sa trace j'atterris droit devant la maison de Frédéric. Des souvenirs me sont revenus, Frédéric a toujours été mauvais avec moi, je le revois me repousser et m'exclure. Je déteste Frédéric. Je le ressens derrière la fenêtre en bois, il a peur, les rôles sont inversés. J'aurais enfin ma vengeance. J'ai sauté au travers de la fenêtre, pour atterrir parmi les débris devant un enfant, apeuré. Je lui ai sauté a la gorge ! Tout devint rouge, puis noir.

J'ouvris les yeux dans mon lit, en sueur. Quel rêve étrange. Le jour venait tout juste de se lever, je suis rapidement sorti de mon lit, Étrange que maman ne soit pas venu me réveiller ce matin. J'ai rapidement enfilé mes vêtements, avant de rejoindre en courant le salon. L'odeur des œufs à la poêle et du bacon a inondé mes narines de bonheur.

- Joyeux anniversaire mon fils, c'est exclamé Maman en se retournant vers moi une assiette à la main

- On t'a trouvé du bacon fils, on sait que tu adores ça. Ajouta P'pa.

Je pris l'assiette entre mes mains comme-ci c'était le bien le plus précieux que j'avais. Je me suis empressé d'embrasser mes parents pour les remercier. J'étais pris d'un élan inhabituel d'affection.

- Tu es très câlin aujourd'hui tiens, me dis ma mère tout sourire.

- Ce n'est pas tous les jours qu'on voit ça, repris père

Un sourire m'échappa, pour une fois je me sentais accepté. Mais je savais pertinemment qu'en dehors de cette maison, on continuerait à me rejeter

- Tu devrais sortir t'amuser avec les autres jeunes du village, avec ton père on commence à s'inquiéter tu restes très souvent seul

- Je ne suis pas seul, il y a Tyco.

- Tu ne devrais pas traîner avec cette bête fils, passe moins de temps dans la forêt et tu t'intégreras mieux au village.

- Ton père  a raison Luka, si tu passais plus de temps avec les enfants tu serais peut-être...

- ...Peut-être quoi maman, toi aussi tu vas commencer à dire que je suis une bête, que j'ai les yeux d'une bête. Que je pue. Pourquoi je ne ressemble pas aux autres enfants Maman ? Pourquoi tout le monde se moque de moi ? Dis-moi !

Les larmes commencèrent à monter, le visage de ma mère commença à devenir flou. Les deux adultes se regardèrent dans le blanc des yeux, Gaulthier mon père ouvrit la bouche, avant de la refermer sans qu'aucun mot ne sorte. Je ne pouvais pas rester là, j'engloutis la dernière tranche de bacon avant de m'enfuir la tête basse et les poing serrés. 

Je courais dans la rue, sans regarder où j'allais. J'ai bousculé un groupe de femme qui n'a pas hésité à m'injurier au passage. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi aujourd'hui, à un moment je suis heureux, et l'instant d'après je me mets à pleurer. « Aller sèche tes larmes Luka tu n'es plus un bébé » me dis-je tout haut. Il faudrait aussi que j'arrête de parler tout seul. J'avais arrêté de courir, et je me trouvais devant la maison de Frédéric. Étrange coïncidence, les volets de sa chambre étaient ouverts, et il n'y avait personne à l'intérieur. Le souvenir de mon rêve refit surface, se superposant à la scène. J'ai sursauté quand j'ai entendu mon nom.

- Bah alors Lucaca tu me cherches, cria une voix derrière moi.

C'était Frédéric, il avait un an de plus que moi, des cheveux bruns en bataille et ses dents de devant ressortais comme celle d'un écureuil. A cet instant j'aurais aimé qu'il soit un petit écureuil fragile et moi un grand loup gris qui ne pourrait en faire qu'une bouchée. Mais la vérité c'est que du haut de ses 15 ans il faisait déjà une tête de plus que moi, et il était entouré par deux autres jeunes de mon âge qui ne faisait que de le suivre comme des toutous.

- T'as perdu ta langue Lucaca, tu me comprendrais peut-être mieux si j'aboyais a quatre patte, comme ton animal bizarre.

- Tyco n'est pas bizarre il est juste différent des autres renards, en plus un renard ça n'abois pas, andouille !

- Qui est ce que tu traites d'andouille ! Repris un des garçons en avançant vers moi

- C'est aussi bizarre que ta bête Lucaca, retourne te rouler dans la boue avec elle. Répondit l'autre en avançant à son tour.

Je ne supportais pas qu'on parle mal de Tyco. Mon cœur battait très fort dans ma poitrine, j'ai refermé le poing si fort que j'aurais pu casser une pierre.

- Fais encore un pas Titouan et c'est toi que je vais rouler dans la boue ! Ma voie trembla, mais je devais leur montrer que je n'ai pas peur.

- Tu te crois fort Luka, mais tu es tout seul, répondis Fréderic le sourire aux lèvres. On va voir si tu cours assez vite.

J'ai fait un pas en arrière, les événements avaient pris la tournure exacte que je souhaitais éviter.

- ATTRAPONS-LE ! Cria Frédéric en lançant le bras vers moi.

J'ai détalé aussitôt, suivi de près par les deux autres garçons. Frédéric les talonnait une lueur méchante dans le regard. De loin on avait l'air de simples gamins en train de jouer au loup, de manière totalement innocente. Les adultes souriaient en nous voyant, certains rigolaient ou nous criaient de faire attention à l'endroit où nous posions les pieds. Mais pour moi rien de tout cela n'était un jeu, c'était une chasse et j'en étais la proie.

« TU NE NOUS ÉCHAPPERA PAS CETTE FOIS SI ! » rétorqua Frédéric, alors que je m'approchais de la sortie du village. Mon objectif, aller dans la foret, où j'aurais une chance de leur échapper. Le seul obstacle, un passage étroit entre deux maisons, derrière lequel un enclos où des porcs se roulaient dans la boue. Le seul moyen de leur échapper était de passer par là. Je n'avais pas le temps de réfléchir, je me suis faufilé dans le passage, suivi par les deux suiveurs de Frédéric. « Ne le laissez pas s'échapper » ordonna t'il.

Quoi de plus motivant pour me faire sauter la barrière et atterrir dans la boue. A l'instant même où mes pieds ont foulé le sol de la porcherie les cochons ont commencé à hurler et à courir dans tous les sens. Y compris vers moi.

Puis tout se figea, pour devenir plus clair. Je pouvais senti tellement plus de choses. Je sentais le souffle des cochons comme celui des deux autres garçons. Les odeurs de la boue et de la bouillie de reste que l'on donnait aux cochons. Je savais où les cochons allaient aller, j'entendais leur cœur battre comme si j'avais l'oreille sur leur poitrine. Derrière moi, deux personnes venaient de sauter dans la boue, et se sont mis à courir vers moi. Un par un je ressentais leurs pieds s'enfoncer dans la boue, je me suis retourné vers eux. Un cochon leur fonçait droit dessus. Je me suis contenté de sourire, avant que le suidé ne les renverse. J'ai profité de ce concours de circonstances pour m'enfuir.

Frédéric lui avait observé la scène de loin, il fronçait tellement les sourcils que je me demandais comment ses yeux pouvaient encore être ouvert. Il m'était impossible de retourner au village sans qu'il me retrouve. Et je n'avais pas envie d'y retourner de toutes les façons. J'ai pénétré dans la forêt avec la pensé qu'entre ses arbres au moins je ne serais pas rejeté.

Le Peuple des BrumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant