C'est en 1962 que le mouvement néo-enchanteur se développa, coïncidant ainsi avec l'émancipation et la libération des sorciers et des sorcières dans la plupart des pays occidentaux ; dans le théâtre, cela se manifesta par l'utilisation d'effets visuels magiques particulièrement frappants, certains metteurs-en-scène allant même jusqu'à recruter des sorciers pour mettre la foule sous un charme d'illusion, afin de les transporter hors des théâtres. Comme vous le savez, la pratique a depuis été interdite en raison d'incidents...
Azalée perdit le fil de ce que sa plume auto-rédactrice écrivait au rythme de la voix du professeur, trop concentrée à dessiner sur une feuille blanche. Quel bon investissement cette plume auto-rédactrice, quand même. Plus besoin de se casser le poignet à rédiger la parole d'un professeur récitant son cours à une vitesse bien trop rapide pour ses pauvres petites mains. Elle pouvait désormais laisser ses pensées vagabonder en paix ! La plume s'agita soudainement sous elle ; ses voisins de table discutaient, et la plume, confuse, ne savait plus quelle parole elle devait retranscrire. Azalée fusilla ses voisins de table des yeux et chuchota à la plume de les ignorer et de se concentrer sur les paroles du professeur. Par manque de moyens, elle n'avait pris qu'une plume entrée de gamme, si bien qu'elle était facilement confuse si des gens discutaient autour. Mais à part quelques fois où elle devait rappeler à l'ordre sa plume, Azalée était tout de même plutôt contente de son achat.
Elle savait qu'elle devrait prêter meilleure attention à cette partie du cours, et qu'elle ne devrait pas être en train de dessiner des personnages dans la marge ; en tant que sorcière, le mouvement des droits civiques des sorciers (et sorcières) et ses conséquences dans le monde artistique aurait dû attirer toute son attention, et même plus. Elle devrait écouter le cours en gonflant la poitrine de fierté, jeter des petits sourires à ses amis pour leur signifier que « hé, ce sont mes ancêtres », et lever la main aux moindres questions posées par le professeur. Son frère, d'ailleurs, n'arrêtait pas de lui répéter qu'en tant que minorité magique, elle avait un devoir d'engagement et de souvenir. Elle n'en ressentait pas le besoin. Attention hein ! Ça ne voulait pas dire qu'elle n'était pas reconnaissante envers ses ancêtres, et envers ceux qui se battaient encore aujourd'hui pour cesser toute leur discrimination. Elle les admirait, et les remerciait. Mais elle n'avait pas une âme de guerrière ; elle ne s'engageait pas vraiment. Cela ne l'intéressait pas, et, qu'on le croit ou non, elle en était désolée. Elle était un soutien, mais pas un membre actif de la lutte encore bien vivante aujourd'hui. Elle était née sorcière, oui, mais ça ne la définissait pas en tant que personne toute entière. Si ses ancêtres avaient lutté à l'époque, c'est pour qu'elle puisse vivre la même vie que n'importe qui d'autre non ? Et bien c'est ce qu'elle faisait.
Elle agita ses doigts en direction de son dessin et les marques blanches présentes un peu partout sur son corps et son visage s'illuminèrent pendant une demi-seconde. Merde, merde ! Elle leva les yeux vers son professeur ; Dieu merci, il avait le dos tourné et n'avait rien vu. La magie était interdite en cours. Ses voisins la regardaient d'un air interloqué. Elle les ignora et baissa son regard vers sa feuille ; son personnage, un démon cornu au regard de braise dansait désormais entre les lignes de la feuille, dérangeant au passage la plume auto-rédactrice qui ne savait plus où écrire. Elle soupira avec amusement -même en dessin il était aussi joueur-. S'assurant que le professeur ne regardait pas dans sa direction, elle agita à nouveau ses doigts (illuminant au passage ses marques à nouveau) et le dessin retrouva sa place dans la marge, figé.
Malgré elle, elle avait rougi. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle était devenue niaise au point de dessiner son nouveau petit ami. Elle se ressaisit et gomma son dessin, prêtant attention à ne pas gêner la plume. Elle était une femme forte bon sang ! Pas une adolescente niaise et fleur bleue ! Bon, d'accord, elle était peut-être un peu fleur bleue. Un peu. En même temps-
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Azalée la Sorcière
ParanormalLe surnaturel devient naturel. Tranches de vie (pour l'instant) d'une jeune sorcière, dans un monde où la magie est parfaitement normale.