Après l'événement de la nuit dernière, tout le couvent était en émois. Les restes du cheval furent brûlés dans une petite cour entre les bâtiments, et la berline repartit au petit matin avec le cocher et Mme Dahirsh, direction la Bavière. Dès qu'on ne voyait plus la berline au loin, les sœurs partirent aux vêpres, pendant que Anne pris Margot par la main, pour l'emmener se balader dans Paris.
Anne fut surprise et déçue à la fois, de découvrir une ville grise, triste et pauvre, car on lui avait toujours parlé de Paris comme une ville puissante et belle, mais les belles rues pavées qu'on lui avait vanté étaient recouvertes d'une couche de boue, de saletés et de selles. Soudain, un lépreux surgit au bout de la rue, agitant en rythme la clochette qui prévenait de son arrivée dans la rue, les bonnes gens qui s'enfuyaient en courant, fermaient leurs volets et leurs portes ou longeait les murs sur son passage. Elle passa elle aussi dans une autre rue, pour échapper au regard malheureux du malade.
Avec Margot, elle firent le tour du centre de la ville, et s'arrêtèrent à chaque vitrine de chaque boutique, passèrent devant le palais des Tuileries qui semblait abandonné, et Anne remarqua que devant chaque boulangerie, des groupes de quatre à huit personnes, qui attendaient le boulanger en criant et en brandissant des outils agricoles. Puis vers six heures moins le quart, elles reprirent le chemin du monastère, mais Anne avait beau avancer, quelque chose tirait sur le bas de sa robe, elle se retourna juste à temps pour apercevoir le mendiant qui tirait sur sa robe se jeter sur elle.
- A l'aide, criait-elle à plein poumon, alors que les gens qui ne voulaient pas avoir de problèmes, s'enfuyaient dans la direction opposée.
Margot tentait tend bien que mal de séparer le mendiant de Anne, mais ce dernier fit volte-face et lui donna un coup de poing dans le ventre, ce qui fit pour effet de la faire vomir sur les pavés de la rue déjà bien embourbée. Heureusement un homme prit le mendiant par le cou et l'envoya mordre la poussière quelques pas plus loin. Puis l'homme tendit sa main vers Anne pour l'aider à se relever.
- Merci monsieur, vous m'avez été bien aimable.
- Monsieur l'abbé mademoiselle, et je n'ait fait que mon devoir. Mais dites-moi mesdemoiselles, pourriez-vous m'indiquer le couvent Ste Emilie je vous prie ?
- C'est là que nous logeons ma domestique et moi, nous pouvons vous accompagner à pied si vous le désirer.
- Je voudrais bien mais je suis en berline.
- Bon alors je ferais mieux de vous indiquer le chemin et nous nous retrouverons là-bas.
Anne expliqua du mieux qu'elle le put, le chemin pour aller au couvent.
-Eh bien à toute à l'heure monsieur l'abbé.
Anne et Margot reprirent le chemin du couvent et arrivèrent un quart d'heure plus tard. Dans le cloître, Anne retrouva l'abbé qui déchargeait ses bagages en sifflotant.
- Rebonjour mon père.
-Rebonjour ma fille.
-Mais dites-moi quel est votre nom, mon père ?
- Torrière, l'abbé Torrière, dit-il avec un regard qui se voulait malin.
Le temps passe très vite dans l'abbaye, entre les leçons de catéchèse, d'histoire française, de chant grégorien et les promenades quotidiennes dans Paris avec l'abbé Torrière et Margot. Il n'y avait plus eu d'incident depuis la mort du cheval et tout le couvent faisait comme s'il ne s'était rien passé. Et depuis cet incident, Anne participait activement aux messes dans l'abbaye.
- Vous avez très bien dirigé la chorale ce soir ma fille, dit la mère supérieur à Anne.
-Merci ma mère. Oh, regardez ma mère, la Lune est rouge.
- Voila un beau spectacle que nous offre le Seigneur ma fille. Sur ce je vais vous souhaiter une agréable nuit car je dois retraverser toute l'abbaye pour rejoindre mon bureau pour y ranger quelques documents.
- Bonne nuit ma mère, répondit Anne en étouffant un bâillement de sa main gauche.
Après avoir dénoué ses longs cheveux blonds, Anne s'allongea dans son lit et ferma les yeux pour tomber dans un sommeil profond, très profond, et dans lequel elle semble entendre une voix, oui c'est cela une voix sifflante même froide, elle la titille, l'appelle, l'encercle. La voix semble venir d'en bas, Anne se penche, s'allonge et écoute la voix qui semble monter des profondeurs de la terre, qui semble s'articuler pour lui dire quelque chose, elle le lui murmure, d'une façon attirante, séduisante : "Viens dans le couloir du réfectoire; j'y suis, je t'y attends..."
Anne se réveille en sueur une fois de plus, mais décide de se rendormir pour oublier ce dont elle avait rêvé.
Elle tombe de haut, de très haut, elle voit la terre qui s'approche dangereusement, elle n'a aucun moyen de se sauver; soudain quelque chose sort de la terre, elle y distingue un serpent qui se faufile à la surface et qui siffle quelque chose dans une langue incompréhensible. Puis la terre s'ouvre sous ses yeux, faisant apparaitre l'Enfer et ses grands lacs de lave en fusion, des chaudrons d'une taille incroyable où boue les âmes des damnés éternels et les grands feux d'où sortent des diablotins enjoués. Et du cratère le plus rougeoyant, un ange en sort. Mais cet ange n'est pas comme les autres, il est vêtu de guenilles grises et possèdent des ailes d'un noir encore plus profond que la nuit. Il lève sa tête vers le ciel avant de l'apercevoir, elle, qui descend des cieux vêtue d'un blanc pur. Les yeux du démon deviennent des braises rouges, il tend sa main vers Anne et s'approche doucement.
- Ecoute ma parole, écoute moi, lui murmure-t-il à l'oreille, viens à moi, rejoins mon royaume et règne avec moi sur le monde. Tu serais une reine, tu posséderais tout ce que tu voudrais, viens.
- Jamais ! dit-elle en essayant de le repousser tant bien que mal.
- Tu finiras bien par changer d'avis et me rejoindre dans le feu de l'Enfer, lui dit-il en lui caressant le menton de ses longs doigts aquilins. Je vais te dire quelque chose : la nuit a beau avoir été créée par Dieu lui-même, elle est parfaite pour commettre les actes les plus horribles, faire les choses les plus malveillantes. Retourne sur Terre et va dans le couloir près du réfectoire, tu y trouveras la preuve de ma puissance sur cette Terre.
Anne se réveille en sursaut dans son lit, revêt sa robe de chambre, et court pieds nus en direction du réfectoire. Et ce qu'elle voit là, sous ses yeux, la laisse sans voix.
P.S : Dites-moi si c'est clair ce que j'écris.
![](https://img.wattpad.com/cover/161708892-288-k291143.jpg)