Vent violent

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   Il sortit les mains de ses poches en même temps qu'il s'extirpait du mini van. L'air frais ébouriffa sa chevelure dorée alors qu'il était rejoint par le reste du groupe. Tous étaient silencieux, un silence inhabituel qui le mettait mal à l'aise. Et les autres aussi, probablement. L'endroit les intimidait. C'était leur première visite de ce genre après tout, et ils ne savaient comment réagir. Devaient-ils sourire, rigoler comme ils en avaient l'habitude ? Devaient-ils avoir cette attitude neutre, presque solennelle digne d'un enterrement ? Certes, les gens qu'ils allaient croiser pouvaient être... en fin de vie, cette pensée lui tira une grimace, mais avaient-ils le besoin ou l'envie de lire de la pitié sur le visage de leurs visiteurs ? Ils ne se déplaçaient pas dans cet hôpital pour ça. Ils s'y déplaçaient pour exprimer leur soutien. Pour aider, ne serait-ce qu'une journée, à la reconstruction physique et mentale de ces personnes qui venaient de traverser un malheur inimaginable. Parce que cette tragédie les avait toucher, comme la planète entière. Et parce que leur management le leur demandait.

Les couloirs voyaient sans cesse le ballet des infirmiers souples et silencieux se mouvoir d'une chambre à l'autre, instiguant soins et réconfort aux patients. Ils saluaient sobrement le jeune homme et ses amis, leur serrant parfois la main brièvement avant de s'engouffrer à nouveau dans une chambre. Tout allait si vite dans un silence rythmé uniquement par le bruit de pas sur le sol carrelé, miraculeusement intact, le son des machines et quelques fauteuils traversant l'hôpital au gré des envies et des besoins d'un patient en manque de liberté.

On leur fit signe de rentrer dans une grande salle remplie de jeux d'enfants, de tableaux colorés, de fauteuils rembourrés où ils ne mirent pas longtemps à s'affaler. Ils ne tarderaient pas à rencontrer quelques uns des rescapés de la ville de Kopps. A écouter leurs témoignages bouleversants. A voir leurs blessures externes. A deviner les blessures internes.

Des nombreux enfants vinrent passés une heure ou plus avec eux, jouant à de multiples jeux, riant parfois aux éclats. Luke en oublia presque pourquoi ils étaient là, eux autant que ces enfants. Oublier ce qu'ils essayaient de combattre depuis des semaines, voilà ce dont ces enfants avaient besoin. Les adultes qui préféraient en parler le faisaient plus facilement à des professionnels qu'à une bande d'adolescents d'un groupe de rock. Et il le comprenait. Ils le comprenait tous. Et entendre certains des enfants décrire l'horreur qu'ils avaient subi les émus aux larmes. 

Luke était accroupi devant une table d'enfant, penché sur une feuille de papier blanche qui se noircissait à vue d’œil, aidé par une petite fille à sa gauche.

- Pourquoi tu dessines toujours là où je dessines Laura dis moi ?

- Je veux dessiner ce que tu dessines.

- Huit ans et déjà tu veux tout diriger ! Je te demande d'attendre encore un peu s'il-te-plait ! Luke rit de la mine renfrognée que prit la petite. Qu'est-ce qu'il y a ? Je te laisse ce carré blanc si tu veux.

- Non... Je... rien.

- Des chatouilles ou tu me dis ?

- T'es pas gentil... Bon..., la petite Laura tritura une mèche de cheveux entre ses doigts, mal-à-l'aise. Tu... Tu m'attendrais ? Tu m'attendrais que je sois grande ?

- Laura... tu sais très bien que tu seras toujours la plus chère à mon cœur !

Luke sourit alors que la petite lui sautait au cou. Certes, il y avait peu de chances qu'ils se revoient, encore moins dans plusieurs années, mais il devait le dire. Lui donner de l'espoir alors que même ses parents n'y croyaient plus. Il les avait croisé un peu plus tôt, ses parents, avait échangé quelques mots avec eux. Le toit et tout le premier étage de leur maison avaient été arraché lors du passage de la tornade, emportant au passage le frère aîné de Laura. Ils n'avaient eu le temps que de réveiller Laura, dont la chambre était à côté des escaliers, avant de descendre au sous-sol après avoir vu tous leurs objets personnels voler autour d'eux. Entendre cette histoire de Laura avait été abominable. L'entendre des parents avait été déchirant. Perdre un enfant avait, même pour Luke, était une des choses les plus atroces qu'il pouvait imaginer. Une qu'il ne voulait jamais se voir réaliser pour lui.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 09, 2014 ⏰

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