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Remplissant sa cavité buccale d'un alcool fort quelconque commandé plusieurs minutes plus tôt, la Japonaise me jeta un coup d'œil complice qui fit monter le rouge à mes joues avant de fondre sur mes lèvres. Mon meilleur ami avait tenu sept minutes après notre retour pour se mettre à défier toutes les personnes qui avaient le malheur de s'approcher de notre table ou qui croisaient par inadvertance son regard pétillant de malice. Personne ne parvenait à éviter ses yeux perçants et tous étaient trop éméchés pour refuser. Alors, lorsqu'il avait annoncé la sentence qu'il réservait à Hitomi, elle s'était contenté de lui offrir un large sourire mutin.


La bouche de mon amie – je n'étais pas assez idiot pour la considérer comme ma copine, car je savais que notre relation n'existerait plus au lever du jour – m'arracha un soupir de pur bonheur lorsqu'elle se posa sur mes lèvres. J'aimais le goût alcoolisé de ses lippes et la texture de sa langue contre mes dents. Notre échange s'intensifia rapidement. L'alcool que contenait la bouche de la jeune femme se déversait lentement dans la mienne alors que mes mains venaient se perdre sur ses hanches couvertes par le tissu fin d'une robe à sequin et rapprocher son corps menu contre mon torse. J'entendis vaguement les sifflements des trois énergumènes qui me servaient d'amis. Je ne comprenais pas l'engouement qui s'était créé autour de ma relation d'une nuit avec la Japonaise, mais je m'en amusais énormément. Luisant d'une légère couche de sueur, sa jugulaire semblant m'appeler. Laissant mes lèvres glisser contre sa peau fine, je lapais lentement l'eau salée, savourant le grain parfait de ma peau contre ma bouche.


« Ce n'est pas que jouer les voyeurs me dérange, commença Sangkook, mais j'aimerais vraiment préserver mon innocence.

Donc ça le dérange, traduisit Kisuk.

Et ne joue pas la carte de l'innocence, continua Youngho alors qu'un sourire moqueur étirait ses lèvres. On sait tous ce que ta main droite et toi faites le soir. »


Les lèvres étirées par un sourire faux, mon meilleur ami nous tendit son majeur avant de replonger dans la contemplation de son verre vide. Il devait certainement essayer de le remplir par la simple force de sa pensée. Sa ridicule et amusante obstination me permit de constater que les bouteilles dispersées sur notre table n'étaient que des cadavres de verre. Pris d'un courage que je ne me connaissais pas, je me proposais d'aller commander de nouvelles boissons. J'eus l'impression qu'ils m'acclamaient comme si j'étais un roi et riais bêtement de la situation. Lorsqu'ils leur prenaient l'envie de boire de l'alcool, ces quatre-là devenaient ingérables.


Je me frayai une voie complexe jusqu'au bar. Les quelques étudiants qui me séparaient de ma destination m'entraînaient dans leurs mouvements déchaînés. Certains ne semblaient plus aptes à se déplacer de façon normale et ils m'avaient utilisé comme une béquille humaine pour atteindre leur destination. Lorsque j'arrivais finalement au niveau du comptoir, je pris quelques secondes pour reprendre mon souffle. J'avais besoin d'un peu de temps. Toutes ces personnes m'oppressaient et je me sentais agressé par leur odeur.


Trop occupé avec les autres consommateurs, le barman ne semblait pas disposé à venir me voir et je le comprenais. Gérer autant de personnes alcoolisées ne devait pas être une mission aisée. Pour occuper mon temps, je me focalisais sur les silhouettes en mouvement des clients. Puis mes yeux finirent par se poser sur une stature élégante que je ne connaissais que trop bien et mon sang se glaça instantanément dans mes veines.


Mark Tuan.


carnivoreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant