La Contamination des formes

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Le sommeil du docteur Marc Henie fut interrompu par de fortes démangeaisons sur son poignet droit. Encore à demi endormi, il apposa les doigts de sa main opposée sur le relief anormal et rugueux d'une petite cloque.

« Piqûre de moustique ! » Pensa-t-il.

Contrairement à ce que l'on ne devait surtout pas faire dans ce cas là, il se gratta fortement la cloque, sachant pertinemment qu'il accélèrerait le gonflement du bouton. Mais tant pis, ça le grattait trop.

En tant que médecin, il savait parfaitement que, par principe, on suggère au patient de ne pas agir de telle ou telle sorte sur un symptôme. Mais en réalité, il est très souvent impossible de s'y résoudre.

Alors qu'il émergeait de plus en plus de son sommeil, Marc ressentit une nouvelle démangeaison au niveau de son coude droit.

Jusque là, rien d'anormal, il était rentré tard de boite hier soir, et s'était directement couché en laissant la fenêtre ouverte car l'été atteignait ses pics de chaleur. Un ou deux moustiques femelles entrèrent alors pour pomper son sang afin de nourrir ses œufs.

Etant du rhésus sanguin « O », dès qu'un insecte vampire patrouillait dans les parages, il venait en priorité sur lui ! C'était scientifique.

Pourtant, les démangeaisons s'enchaînèrent : le cou, la jambe gauche au niveau du genou, le dessus du pied droit, l'avant bras gauche, dessous l'omoplate gauche...

« Ce n'est pas possible » ! S'étonna Marc en tentant des positions de contorsionniste pour se gratter les différentes zones piquées.

« Les Moustiques ont réalisé une attaque en formation d'escadron ou quoi ? Et puis comment ont-ils pu passer sous ma fine couverture et mon haut de pyjama ? C'est ahurissant ! ».

Excédé par les démangeaisons, il se releva brusquement de son lit. Bien que ses sens demeurent encore un peu embrumés, il finit par s'éveiller totalement dans sa grande chambre plongée dans l'obscurité et le silence. Il n'était guère dérangé par le bruit dans son immeuble du huitième arrondissement parisien. Ses fenêtres donnaient sur la cour arrière, l'immeuble d'en face ne contenait que des bureaux, vides la nuit.

En tant que docteur généraliste de l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Marc Henie possédait les moyens afin d'entretenir son physique avec le sport, les vitamines et un zeste de botox. Célibataire, il profitait pleinement de sa quarantaine dorée. Car, contrairement à ses collègues mariés, il n'avait pas besoin de passer des nuits en douce dans les hôtels pour profiter des nouvelles petites internes.

Parfois, il maudissait un léger revers de la fortune, surtout lorsqu'il s'agissait d'éclairer le hall qui séparait le grand salon de sa cuisine. Il éprouvait toutes les difficultés du monde à trouver l'emplacement de l'interrupteur, à moitié caché derrière le nouveau grand réfrigérateur-distributeur de glaçon qu'il avait fait installer le mois dernier.

Arrivant enfin à allumer la cuisine, il râla intérieurement, toujours les mêmes traquas : « foutu appartement haussmannien ! Les plafonds sont trop hauts, on ne parvient pas à les chauffer l'hiver, et l'installation électrique est mal adaptée, elle laisse des recoins entiers dans l'ombre. Lorsqu'il a conçu ses apparts à la fin du dix-neuvième siècle, Le vieil Haussmann ne s'attendait pas à ce qu'un jour les habitants vivraient au milieu d'équipements modernes ! »

C'était à ses yeux le seul ratage de sa vie. Un appartement qu'il louait très cher et dont la vieille déco des murs ne s'accordait pas avec ses tables, fauteuils et meubles en fer argenté, au design moderne, brillant et épuré. D'ailleurs, il ne disposait pas d'assez de mobilier et d'équipement Hi Fi, électroménager pour combler la sensation de vide qui envahissait son vaste intérieur.

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⏰ Dernière mise à jour : Apr 23, 2022 ⏰

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